Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Solar Ranks
7 janvier 2010

(bataille)

 

 

2160 - Base Titan. Sur le satellite de Saturne du même nom.


TethysRingShadow_cassini_c68

 

 

 

 

 

 

 

 

« Druidesse mauve, Perle d’alcôve. » Graffiti – Base Titan. (Toilettes de la cafétéria du 3ème niveau)

 

Une fois rentrée dans Son 65 m2, Fatou essaya d’obtenir une liaison potable et sûre avec ses amis sur Cassini, en pure perte. Rageuse, elle s’endormit en repensant à l’incident du Club. Ça ne pouvait pas continuer comme ça. Les dirigeants allaient trop loin ici. Traiter des spécialistes aussi calés qu’eux comme du bétail et d’éternels suspects… Le carré des fidèles devait satanément se restreindre autour de ceux qui étaient allé jusqu’à préparer et tolérer le bombardement du Terrier B pour qu’ils en soient là.

 « Alors ? » demanda t’elle à Sven Svenson lorsqu’elle le recroisa le lendemain dans les coursives.

 « Bah ! Ils voulaient surtout savoir des trucs sur la composition de la relève, les nouveaux. Et, nous demander pourquoi est-ce qu’on ne prend pas tout ça plus au sérieux … et pourquoi on fait pas leur boulot de flics…Tu connais la chanson. »

 « Pourquoi ont-ils embarqué aussi les druidesses ? » - Voulut savoir Fatou.

 « L’une d’elle est encore chez eux, la future Vestale. Ça barde pour son matricule, je crois. »

 « Ils vous ont posé des questions précises sur certains des nouveaux ? »

 « Non, ils sont resté vagues. Pourquoi ? »

 « Il y’a une jeune spécialiste parmi eux que j’aimerais bien rencontrer…discrètement. »

 « Viens alors. » Lui dit Sven après un moment.

 …………………………………………………………..

 Sur le siège des toilettes, la jeune femme à la courte chevelure brune, aux yeux verts en amande, profitait avec délectation de la possibilité offerte ici, qui lui avait été refusée 17 mois durant. Sur un corps céleste solide, même petit comme Titan, prendre le temps d’excréter dans son chez soi ne ressemble en rien aux pauses caca spatiales, même en Grav 1. « Chier dans un environnement centripète est la seule vraie manière.»  Pensa Suong avec amusement. « Ils » leur avaient donné ici, des chambres de trois qui étaient de petits môles avec trois minuscules alvéoles individuelles réparties autour d’un espace modulaire central.

 

Assise et songeuse, elle regardait l’espace qui lui était alloué en propre pour l’année à venir par la porte coulissante laissée ouverte. Ses deux colocataires étaient partis au mess. La porte/sas du module central s’ouvrit en buzzant.  Avant d’avoir pu distinguer qui était là, Suong, d’un coup de poignet ferma sa porte en urgence. Elle fit ensuite le nécessaire tout en usant de son attirail implanté de watcheuse : Deux personnes, mais pas ses colocs, Ranks 2 tous les deux. Au scan d’Implantation elle vit qu’ils étaient des officiers supérieurs de la Flotte. Une courte montée de panique la saisit, vite surmontée. La femme avait des Implants que Suong n’avait jamais vus et qu’elle ne connaissait pas bien. L’homme était un Pexiste de haut rang. Suong remonta son pantalon et sortit. Les deux officiers Mauves la regardait sans faire de mines. Suong vint devant eux dans l’espace commun du môle et les salua avec prestance. Une fois rendu son salut, la femme, une petite à la peau très brune, se tourna vers l’homme dont les barrettes indiquaient le grade.

 « Merci Général, à vous revoir. »

 L’Officier ressortit en fermant le sas d’entrée avec soin. La femme Générale se présenta puis sortit une carte magnet et la passa dans les codeurs de la porte.

 Avec ses Implants sensoriels, Suong entendit tous les dispositifs de l’alvéole à trois pétales se défaire, shunter ou cliqueter l’un après l’autre jusqu’à ce qu’il n’en reste aucun d’actif. Ses oreilles, malgré elle, remuaient pour aider à l’écoute ce qui en de pareilles circonstances ne sert à rien. Fatou Jamsaya sourit légèrement.

 « J’ai laissé la ventilation, nous ne serons pas asphyxiées pour l’instant, je pense.» Dit-elle, choisissant le français pour s’exprimer.

 Et elle expliqua à quel point la jeune femme arrivait ici dans une phase critique de luttes.

 « Cela peut exploser n’importe quand ! Il s’agit de décider si nous voulons anticiper, accompagner et amplifier ou non le mouvement. » Disait-elle.

 « Je comprends madame. » Dit Suong dans la langue de Molière.

 « Ça m’étonnerais. Savez vous quel âge j’avais, en débarquant ici la première fois ? »

 « Non Ser. »

 « Trente-quatre ans…eh oui…j’ai été la plus jeune spatiale EVA non Ranke à franchir les portes de Base Titan. Amélio Ranke 3 depuis. Le record court toujours d’ailleurs, je crois. »

 « J’ai 41 ans Ser, quant à moi. »

 « Bons dieux, quelle gamine avec une tête de gamine ! Mais je ne vais pas vous accabler Mlle Nguyen. Tout d’abord, ne vous laissez pas arrêter par mes verbiages ni par mes sautes d’humeur. Comme on dit chez moi au Burkina Faso, je suis quelqu’un qui, tendanciellement, « Yoyote de la touffe. » - Dit elle en se saisissant de sa tignasse d’une main et en la secouant. - C’est un style que je cultive, en plus, parce qu’il m’a permis aussi de tirer mon épingle du jeu dans de nombreux cas d’espèce fort délicats. Vous comprenez ce que je dis ? »

 

Suong tout en gardant un maintien militaire décida de faire montre d’un peu d’autorité. Elle n’aimait pas qu’on la saoule ainsi. Et son français était excellent.

 « J’ai sept années de missions d’infiltration en milieu hostile à mon actif, Ser Générale. Avant de me préparer à venir sur Région Jupiter/Titan.  Je ne suis pas une oie blanche.»

 « Vieux Dogons !... Vous pouvez dire « chez les Mauves » mademoiselle ! Ça va plus vite et tout le monde comprend. »

 

« Bien, Ser Générale. »

 

« Je vais m’arranger pour que vous embarquiez sur un transport vers Cassini dès que vous aurez posé vos malles. On pourra mieux s’organiser. Je suis pour ainsi dire la Patronne des lignes ici, des transports vers Cassini aussi. »

 Avant qu’elle puisse prendre congé, Ser Jamsaya fut interrompue par le sas d’entrée qui s’ouvrit bruyamment. Avec une violence inutile, les deux colocataires de Suong l’avaient forcé en pesant sur les commandes d’ouverture manuelle d’urgence. Devant les barrettes de Fatou ils se redressèrent au garde à vous. Imperturbable, la Générale rompit aussitôt leur posture et dit simplement :

 « Parlez ! » En leur indiquant de parler avec leur camarade.

 « Il y’a une mutinerie dans les Plots de cet hémisphère de Titan, Suong ! » Dit le Rank « 4 » qui se faisait appeler Spoty. « Il faut aller empêcher la prise de contrôle de l’aire d’envol de notre Plot. Viens !»

 «Évidemment ! J’aurais dû y penser – dit Fatou en saisissant le biceps de Suong – Ils profitent de l’arrivée de votre Bordée pour anticiper et brouiller nos mouvements. » Suong hocha la tête, convaincue elle aussi. Ses deux voisins de chambre, deux Ranks qu’elle ne connaissait pas ou très peu, comprirent que ces deux là, la petite Générale blacke et leur copine Ranke n’avaient pas le même niveau d’implication qu’eux. Ils voulurent le leur demander. Pas de chance, avant d’avoir prononcé un mot ils gisaient au sol, knock-out.

 « Filons d’ici, ma chère ! » chuchota Jamsaya à l’oreille de Suong.

 Dans les couloirs de cette aile d’habitation pour novices, une agitation régnait, sans vrai objet. Cela courrait, s’interpellait, quelques coups de poings partaient, des corps emmêles roulaient au sol. Pas grand chose de sérieux. Les services de sécurité des abords avaient bouclé les quartiers des recrues et distribuaient parcimonieusement des armes de combat rapproché à quelques novices trouvés sur des listes. Tant qu’elles restèrent parmi ces quartiers, Fatou et Suong ne furent pas du tout bousculées. Les barrettes de la Générale faisaient passer des rictus de divers genres sur les visages, c’est tout. Avisant une petite bagarre qui mettait aux prises cinq Ranks, Suong et Fatou prirent le parti d’un des camps. Etait-ce le bon ? Elles verraient cela une autre fois ! Elles empoignèrent vigoureusement les vaincus et lorsqu’elles arrivèrent en vue de la porte des quartiers des recrues, gardée par les miliciens de la Flotte, elles les balancèrent de toutes leurs forces sur les factionnaires. Les soldats, bousculés par ces irruptions, perdirent quelques précieuses secondes à ramasser et à vérifier les gars qu’ils venaient de recevoir en paquet cadeau. Quand ils se redressèrent, masers braqués, une petite foule s’était massée devant eux.

 C’était très clair. Les recrues, à présent, voulaient : sortir ! Les deux gardes, focalisés sur la foule, tirèrent deux rafales de maser. Les deux femmes se glissèrent par les cotés. Fatou estourbit l’un des gardes pendant que l’autre tombait à la renverse, le nez brisé par la paume de Suong. Elles laissèrent passer le flot des novices qui se précipitaient vers un destin dont ils ne savaient rien, tout en couvant les deux corps avec beaucoup d’assiduité. Elle vidèrent ensuite soigneusement toutes leurs poches et embarquèrent toutes leurs armes avant de repartir. Les sorties des quartiers des autres Plots de la Base reçurent l’ordre de riposter à munitions réelles à toute nouvelle tentative de fuite des recrues après leur coup d’éclat.

 « Vous vous battez bien. » Dit Fatou pendant qu’elles progressaient entre coursives et espaces collectifs.

 « Je me demande si je ne l’ai pas tué. » - Fit Suong en grimaçant.

 « Ma belle, si ça tourne vinaigre sur Titan et que nous perdons, je ne suis pas bien sûre que ceux qui seront au sol une fois la poussière retombée iront tous à l’infirmerie…»

 « Ils achèveraient les blessés vous voulez dire ? » - L’africaine eut un vilain sourire en coin.

 « Peut-être pas tous – Fatou rechargeait son fusil d’assaut – ce ne sont pas des monstres. »

 La Générale trouva enfin ce qu’elle cherchait depuis un quart d’heure. Dans une des boutiques électroniques sur le trottoir : un terminal sécurisé Vaev. Suong surveilla le coin de la placette pendant que Fatou faisait tomber le plex du bureau pour y accéder. Deux miliciens de la sécurité se précipitèrent en courant, Suong les tacla au Maser. Ser Jamsaya, les doigts fichés dans l’interface flex faisait le plus vite qu’elle pouvait. Elle chargea le maximum de ce que ses mémoires internes pouvaient supporter et elles filèrent se mettre à l’abri plus loin.

 « Vous êtes Implantée pour combien de stock data ? » Demanda Fatou.

 « Pas mal. Plusieurs TétaBits.»

 « Je vais vous transmettre alors. L’essentiel. » Dit la Générale Jamsaya.

 Elle sortit une boule flex de sa poche et tendit la main à la vietnamienne avec. Elles se serrèrent la main et durant quelques dizaines de secondes les datas transitèrent de l’une vers l’autre. Suong ferma les yeux pour contrôler la longue réception de données. Elle eut un choc. Il n’y avait aucun fouillis ni aucune bouillie info dans les 2.3 TétaBits d’infos numérisées. 

 « Je devine mieux ce que sont vos Implants, Ser. » se contenta t’elle de signaler.

 « Vous voyez le schéma du réseau de ventilation ? »

 « Oui » Suong le parcourait déjà et retrouva leur position actuelle.

 « Le truc est vieux comme les tuyaux mais on va aller jusqu’au centre de référence 8 par là. Vous le voyez ? » Dit Fatou tout en arrachant ses galons et en jetant ses barrettes.

 « Oui. »

 « Merveilleux. Je passe devant et je vous transmets en continu, vous watchez les abords, si y’a du chaud on attend, si c’est bouillant on tire. C’est d’accord ? »

 « Allons-y. »

 …………………………un peu plus loin…………………………………

 

Sven se redressa en coup de vent pour viser la situation devant eux. Il pestait contre son manque de chance. Il avait essayé de ménager un peu la chèvre et le chou, maintenant il fallait choisir pour de bon.

 « Pourquoi me suis-je dirigé vers le pont d’envol après avoir laissé Jamsaya ? Quel con ! »

 Les procédures de vol aux instruments sur Titan, avec des plus lourds que l’air (enfin l’air…si on peut dire) ou avec des plus légers sont tellement contraignantes et dangereuses que celui qui dispose des moyens « aériens » obtient automatiquement un avantage redoutable. L’autre gros secteur, encore plus primordial, étant celui des Pexs.

 Sven Svenson avait vu comment les Caciques intransigeants pouvaient réagir en cas de pépin. Lui-même superviseur Opex, il savait que, de même qu’on peut piloter des cohortes de nanoPexs dans le microcosme, on peut commander à des équipes de mégaPexs et autres engins redoutables dans le cosme tout court…Il frémit à l’idée que l’on pourrait en arriver là.

 « Y’a pas, il faut aider à prendre le contrôle de cette aire d’envol et le plus vite sera le mieux ! »

 Il zigzagua entre les tirs des défenseurs pour aider trois ou quatre groupes hétéroclites d’attaquants à se positionner mieux et plus en profondeur. Puis, il fonça chercher de quoi muscler un peu leur dispositif d’attaque.

 . ………Sous-sol du Plot 8 de BaseTitan – quartier d’isolement disciplinaire………

 La druidesse, sur le fauteuil où on l’avait laissée attachée, ouvrit à grand’peine un œil poché. Elle avait morflé, ses lèvres étaient tuméfiées et tout son corps lui faisait mal. 5 heures auparavant elle avait commencé à leur livrer des informations après qu’ils aient fait un premier tour de la Question sur le mode physique. Il ne fallait surtout pas qu’ils aient recours aux moyens chimiques, elle n’y aurait pas résisté. Ils avaient insulté son honneur de druidesse. Ce qu’ils avaient fait à son corps ne comptait pas, ne comptait plus. Mais leurs regards, leurs paroles…la lysistratéenne voulait à présent survivre pour voir leur perte. Le désir de revanche et de vengeance submergeait son esprit comme les ouragans de méthane au dehors.

 « Alors mademoiselle la Mauve, on se réveille ? » Demanda l’un de ses tourmenteurs.

 « Pourvu qu’ils ne fassent pas venir un toubib ! » Elle sombra à nouveau dans l’inconscience.

 ……….quelques étages plus haut………90 mn auparavant…

 Suong et Ser Jamsaya, progressaient à quatre pattes à l’intérieur des conduits. Elles atteignirent enfin les premières salles du Centre de référence 8. Elles avaient parcouru plus d’un kilomètre de galeries en pente, vers le bas. Elles décélèrent une grille et se laissaient tomber au sol, quand une dizaine de personnes se débusquèrent depuis les couloirs. Apparemment des Techniciens. Reconnaissant Ser Jamsaya qui venait souvent ici, ils demandèrent aux deux femmes ce qu’elles venaient chercher.

 « Nous voulons nous rendre au poste de guet et de gestion de ce Centre. »

 « Il est verrouillé et gardé, Ser Jamsaya. » Dit un homme.

 « Et vous, que faites-vous ici sans emploi précis ? » Leur demanda t’elle à son tour.

 « Il parait qu’il y’a des combats partout dans les secteurs au dessus, Ser. »

 « C’est officiel. Les hostilités vont battre leur plein dans peu de temps. Voulez vous rester planqués ou y’en a-t-il parmi vous qui nous aideraient ? » Leur lança Fatou.

 « Nous ne savons pas qui sont les ennemis, Générale. » Dit une Ranke 3 fraîche débarquée.

 « Nos ennemis sont les responsables de cette situation pitoyable. Qui sont plus que probablement les mêmes personnes que les responsables qui ont armés et autorisé l’emploi préventif de projectiles nucléaires à hydrogène et au cobalt sur nos adversaires martiens… »

 Deux Ranks 2, eux aussi de vieux briscards des Rotations de la Flotte, haussèrent les épaules.

 « On ne sent pas concernés, Ser Générale ! »

 La Générale Jamsaya leva les sourcils et le canon de son fusil d’assaut en le pointant vers eux.

 « Et maintenant ? Cela vous revient-il ? » Murmura t’elle.

 Suong voulut intervenir. Avant qu’elle ne le fasse, un autre Rank 2 s’interposa en levant les bras. La réputation d’instabilité émotionnelle de Fatou Jamsaya était un réel objet de crainte, même en temps de paix.

 « Nous ne tenterons rien contre vous, et nous ne ferons rien qui puisse vous nuire ! » Dit-il précipitamment.

 « À la bonne heure. » Répondit Fatou en abaissant le canon de son arme sans quitter du regard les deux vieux Amélios Ranks, fatigués et dédaigneux. Elle cracha au sol juste devant leurs pieds et leur lança :

 - « Sachez-le ! Je suis contente de devoir mourir ici pour fêter, avec le port et l’emballage, mon 100ème  anniversaire ou de repartir et surtout, surtout, de ne bientôt plus jamais avoir à remettre les pieds ici : dans votre foutue saleté de repaire de moules à gaufres et de lâches ! »

 Trois d’entre eux les accompagnèrent. Les deux femmes jurèrent aux autres que si elles les apercevaient ou avaient vent de manœuvres hostiles émanant d’eux, ils seraient liquidés.

 …………………………………à 140 km – à l’extérieur…………………………….

 La Tornade continuait à faire rage sur le plateau. Les Chenillettes avançaient pesamment en direction de la ville de plots de béton enfouis dans lesquels les humains se livraient à la guerre. Derrière elles, un tapis de sondes Pex 1 couvraient le sol et avançaient comme une vague de poux lenticulaires.

 Dans leurs caissons d’immersion du centre racine 8 de commandement et de gestion, quinze corps reposaient tranquillement en léthargie 4. Quinze esprits se concentraient sur leurs Actifs Pexs monstrueux. Ils sortirent les engins de leurs dômes hangars et les répartirent au sein de la masse de leurs congénères mécaniques.

 ……………………Ser Jamsaya, Suong et 3 mauves…………………

 Sean lui avait bien dit de ne pas utiliser cet Implant à tort et à travers. Les six gardes de factions devant les doubles portes blindées ainsi que les quatre autres qu’elle scannait juste de l’autre côté, ne paraissaient toutefois à Suong ni à tort, ni à travers. Ils étaient indéniablement là et ils bloquaient le passage. Elle expliqua son plan à Fatou, qui après avoir eu un bref mouvement d’incrédulité se laissa convaincre. Les deux techniciens Ranks 2 et la Lieutenante Ranke 3 qui les avait suivies disposèrent nerveusement leurs armes en des endroits désignés par Fatou. La première des directions qu’avait prises leur petite troupe avait été celle des locaux de l’armurerie de l’antenne de sécurité du secteur. Les trois gardes de faction n’y avaient pas beaucoup essayé de résister. Malheureusement, dorénavant, il ne fallait pas compter sur autre chose qu’une obéissance froide aux ordres et un jusqu’au boutisme probable.

 Suong commença un cycle de répétition avec une combinaison mémorielle visuelle et onirique, le champ α psy poussé au maximum.

 Les dix soldats, sans pour autant cesser de se mouvoir, subirent un shunt dans leurs conscients de veille. Leurs sensations visuelles seraient ensuite ramenées cinq secondes en arrière toutes les 10 secondes en augmentant la persistance rétinienne puis en la relâchant. Pour faire bon poids, des réminiscences subliminales de leurs rêves les plus récent vendraient assaillir leur esprit. En principe, les assaillants disposeraient d’environ 90 secondes de confusion mentale artificielle avant que les cibles ne réajustent. Dès qu’elle enclencha le processus, Suong abaissa son bras. 

 « Go ! »– cria Ser Jamsaya en arrosant calmement les vantaux des portes blindées avec de la balle explosive, sans gaspiller. Les six soldats furent neutralisés au Maser et à la main. Suong tenta ensuite le tout pour le tout et utilisa pour la première fois son Implant en mode suggestif maximal sur les quatre gardes de l’autre côté des portes. Deux d’entre eux furent persuadés d’être il y’a 90 secondes et d’avoir la bonne idée d’anticiper les évènements en prévenant leurs camarades du danger à venir. Un des vantaux s’ouvrit et les Fusils d’assaut entrèrent en action.

 ……………dans les minutes suivantes………………………

 Dix Opexs dans une première salle semblaient  dormir dans leurs caissons. Suong et les 4 rebelles, eux, gardaient les yeux bien ouverts malgré la fumée des tirs.

 « Léthargie 4 – dit Fatou – On va bousiller leurs interfaces. Ils seront coincés dans leur coma. ». Elle laissa la Lieutenante et les 2 hommes se rapprocher des pupitres en écartant les corps qui les encombraient pour s’en charger. La Générale Fatou Jamsaya avait des manipulations Vaev autrement plus importantes à prendre en charge. Suong regardait tout ce sang et ces traces maculant le sol, les murs et le mobilier. Lors de ses missions pour le Motif ou la Charte elle n’avait jamais eu à vivre de tels carnages. Il restait une dernière pièce de commandement au bout du central de guet et de gestion où ils se trouvaient. Fatou et elle s’avancèrent vers la porte. Suong scanna soigneusement la pièce.

 « Deux personnes, tétanisées de trouille. Une arme de poing dans son étui. » Dit-elle.

 Fatou fit sauter la serrure et entra sans hésiter, elle se saisissait de son Maser quand l’homme dans la pièce dégrafa son holster et la braqua. Suong se rua sur le côté en poussant Ser Jamsaya de l’épaule tout en tirant sur lui au fusil d’assaut. La balle de revolver de 9mm lui déchiqueta le haut du poumon droit. La watcheuse s’écroula au sol. Le tireur, lui, était mort, sa cervelle constellait le mur derrière lui. Suong eu encore le temps de se dire que ça puait atrocement et qu’elle détestait tout ça, puis elle sombra dans l’inconscience.

 Après l’avoir étendue la tête sur le côté avec sa veste roulée en boule en dessous, la première manip de la Générale fut d’appeler les secours amis les plus proches en leur décrivant les blessures de la vietnamienne. Elle commença ensuite son travail aux pupitres quant à la guerre qui avait lieu ici, sur Titan.

 ……………………plus bas, quartier d’isolement…………………..…………

 À l’avant-dernier sous-sol, le jeune Ranke 3 électronicien essayait d’oublier ce que son écran montrait. La femme sur son fauteuil avait plongé dans la semoule. Il se disait que c’était ce qu’elle avait de mieux à faire. Il continua à retransmettre les enregistrements de son interrogatoire vers le bureau Vaev des inspecteurs chef et du Cacique de la Flotte qui squattaient leur Centre de rétention depuis trois semaines. La druidesse sur l’écran moniteur sembla relever un peu la tête, il souffla nerveusement pour évacuer son stress. Oui, elle ouvrait à demi un œil. Le jeune technicien ne s’aperçut pas qu’on lui dérivait son signal de transmission, absorbé qu’il était par l’image de la femme martyrisée. Le garde à coté d’elle dit une connerie. « Quels salauds ! » – se dit l’opérateur électronicien. La tête de la druidesse retomba en avant. Elle lui avait semblé murmurer quelque chose à propos de toubibs. Reprenant son pupitre en main, il transmit ça aussi. Avec ces gens là comme nouveaux patrons, ce n’était pas le moment de se faire mal voir – pensa t’il.

 Les doigts de Fatou Jamsaya, quatre étages plus haut, eurent un bref frémissement de triomphe avant de  plonger à nouveau leurs terminaisons digitales dans l’océan de données.

 Un médecin biotech derrière elle venait d’injecter des endorphines à Suong et la faisait revenir à elle. « Papa ?! » Dit-elle en Tieng-viet tout en ouvrant les yeux.

 ………………………………au-dessus, pont d’envol………….………………….. 

 Sven regarda autour de lui. Les attaquants qu’ils étaient pansaient leurs plaies après une seconde tentative de briser le cercle des défenseurs de l’aire aérienne  Les druidesses mauves restées loyales ne laissaient rien passer. Un silence relatif s’abattit sur l’ensemble de halls et de dômes de l’aire d’envol. Quelques navettes cramaient et deux petits dirigeables renforcés étaient affaissés sur le rebord des flammes. Il eut une comm audio avec les cinq autres officiers de la zone.

 « Vous ne pouvez pas dire à vos sœurs de cesser leur acharnement à nous repousser ? » Récrimina une Major Ranke énervée à la Lysistratéenne la plus gradée de leur troupe.

 « Elles sont simplement bien endoctrinées Ser. Ni vous, ni moi ne pouvons rien à cela. »

 Après une pause d’un quart d’heure, ils recommencèrent à arroser les positions défensives. L’essentiel de l’effectif des druidesses semblait avoir disparu des nids en face d’eux. Prudemment ils avancèrent quelques éléments. Rien ne bougeait. Fatou Jamsaya venait  de trouver un Channel comm radioVid que les druidesses s’étaient réservé sans le dire. Elle venait d’y diffuser les images de la Vestale torturée, avec un bref commentaire explicatif.

 Les 430 Lysistratéennes restées jusqu’alors fidèles à la hiérarchie de la Base changèrent de camp d’un seul mouvement. Deux heures plus tard, en dehors des trois étages les plus profonds du site, Base Titan était entre les mains des rebelles mauves.

 Les hôpitaux provisoires furent dotés en personnel mieux qualifié et les files d’attente aux blocs opératoires continuèrent à se remplir de blessés. Il y’avait encore eu assez de sales petits conflits sur la Terre ces trente dernières années pour que la médecine de guerre conserve ses réflexes.

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Solar Ranks
  • Texte de science-fiction/anticipation. Les siècles prochains l'humanité sera t'elle moins stupide que pendant ceux qui ont précédé ? Quelques parcours humains, animaux et végétaux en 700 pages.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité