(Vancouver)

5 ans auparavant – 2154  Terra

Locaux des Légations martiennes sur Terre – légation de Vancouver – Northamérica

 Les échanges d’ambassadeurs entre les principales nations terrestres, protagonistes Chartistes et Mars ne servaient pas qu’à alimenter les ragots. Ni uniquement à donner du travail aux Majordomes. Si les grands ensembles politiques terriens entretenaient des représentations sur Mars c’est parce que des accords étaient passés. Il y’avait donc en retour un petit réseau de Légations vertes sur la planète d’origine, la Terre.

 Légations dont les locaux, en Northamérica, Asie, Europe, Afrique et ailleurs, bénéficiaient de l’officiel privilège d’extraterritorialité. L’ex-Protectrice était donc chez elle.

 Zdenka Placek, dans les locaux de la légation de Vancouver qui était la plus vaste des Légations Vertes car celle qui jouissait du soutien le plus ostensible de la part des autorités du lieu, consultait.

 Son ex doublure, qui avait retrouvé l’essentiel de sa morphologie d’origine, arborait une tignasse verte du plus bel effet. Lybla l’accompagnait à présent en qualité de secrétaire. Zdenka pensait l’envoyer rejoindre l’espace lointain, pour avoir à y effectuer des missions bien précises. Lybla Kroenard était d’origine sudafricaine. Leur différence d’âge, d’une vingtaine d’années environ était redevenue visible.

 Dans un premier temps, Lybla avait servit de remplaçante pour l’ex Protectrice durant six mois. Avec quelques apparitions supplémentaires dans l’année qui avait suivie. Ciblées et beaucoup moins nombreuses. Le premier semestre, en 51, elle avait endossé surtout les parties protocolaires du planning que suscitaient le retour sur Terra de l’ancienne cheffe Verte des affaires internes et conseillère militaire de Mars.

 Zdenka Placek, la vraie, prenait environ dix jours de vacances par mois à l’époque et le reste du temps, elle avait essayé de rester cohérente dans son rôle et dans son travail.

 « Lybla, envoyez moi les compte-rendu de James Rivers, please. » Lui demanda t’elle par la com interne.

 Shaarka et Zdenka recevaient régulièrement de longs rapports en crypté de Mars et aussi à présent de Région Jupiter/Saturne grâce à Juan Muro. Les transmissions de données prenaient à chaque fois plusieurs heures. 365 jours/an Mars et Région Jupiter étaient soumises à des pluies de données compressées incessantes. Les Spatiaux ne recevaient pas la TVid terrienne bien sûr, même avec le décalage. Entre un flux énorme de données et une marée de données inutiles le choix était vite fait. Mais les liaisons, toujours en différé, étaient permanentes.

 Muro devait drôlement bien se débrouiller sur Titan, lorsque Zdenka jetait un œil au cryptage de ses envois, elle sifflait d’admiration devant la qualité du cryptage signal. 

Les bureaux de la légation martienne occupaient un petit immeuble de Vancouver, en Colombie britannique. Ce printemps 54, le temps était au beau fixe, ça avait même quelque chose d’inquiétant. Dans le hall d’entrée, après avoir franchi les cordons de sécurité, Trajan, saluant les personnes connues, monta pour saluer aussi cette satanée Placek, comme il disait. Sur le chemin il croisa Lybla avec son casque de cheveux vert lichen.

 «  Comme il est vieux !... » Pensa Lybla.

 Trajan –  « Bonjour  Lybla ! »

 « Bonjour Trajan. »

 Lorsqu’en 2153 Zdenka avait demandé à Lybla Kroenard de devenir sa secrétaire personnelle, l’autre ne s’était pas faite prier. Leur ressemblance était à présent très vague et la teinte provocante des cheveux de la sud-africaine aidait aussi. Certains services de contre espionnage s’étaient aperçus, naturellement, des substitutions d’identité de 51/52, mais ça s’arrêtait là. L’ex Protectrice martienne était à présent, sinon oubliée, à tout le moins reléguée à un arrière-plan lointain dans l’esprit des masses et des responsables terrestres ordinaires.

 Trajan avait essayé de dissuader Zdenka de la prendre comme secrétaire particulier.

 « Fais pas ça, c’est pas malin ! » Lui avait-il dit en privé.

 « Ça m’aide d’avoir quelqu’un qui puisse comprendre les données un peu particulières de mon travail et de ma vie. »

 « Magda, Shaarka, Sean et moi on comprend les données dont tu parles. »

 « Ce ne serait pas une sorte de jalousie par procuration qui te ferais dire ça, Trajan ? »

 Il l’avait plantée là, furieux, et n’avait plus reparu pendant un mois. En revenant, après avoir passé trois semaines en Finlande avec Magda, il était allé voir Zdenka dans son bureau.

 « Écoutes, - lui dit-il - utilise-la, apprécie-la, fais comme tu veux. La garder auprès de toi lorsque tu es en train d’incarner celle qu’elle doublait jadis, pense ce que tu veux de mes motivations :je trouve que ce n’est pas sain du tout. Voilà…Allez à plus tard ! »

 « T’es chiant ! » Avait tiqué la Ranke 3 tchèque.

 « C’est vrai ! Qu’un gamin reste un peu trop longtemps polymorphe vois-tu, ça ne me dérange pas. Mais toi, tu as 64 ans Zdenka. » Lui avait-il sèchement balancé.

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 « Au fait Magda va bien, je te remercie d’avoir oublié de demander. »

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 « Elle est toujours d’accord pour venir le mois qui vient ? » Avait demandé Zdenka, accablée par la violence et le ton de méchanceté de son ami.

 Magda passait environ quinze jours tous les deux mois à Vancouver. Le reste du temps, elle était soit en Finlande, soit en train de bouger sur les sites de ses anciennes affectations pour voir des ami(e) s. Sa retraite d’officière Lysistratéenne n’était pas énorme et elle devait faire attention avec l’argent. Zdenka l‘invitait à passer la voir lors de ses séjours à Vancouver, ou alors elle sortaient ensemble en ville. Magda avait juste accepté que la Charte, au titre des services rendus, l’aide pour ses transports longue distance. Trajan avait pris un petit appart dans une station côtière et faisait la navette entre l’Amérique et l’Europe boréales. Les dirigeables rapides transarctiques étaient nombreux à présent, et leurs cabines de nuit très confortables.