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Solar Ranks
12 janvier 2010

(Bidonnages de noël)

……niveau de la Direction du Centre de Schkoklan…… Niveau 16…….

 Ser Kunti avait soigneusement refermé la porte insonorisée de son bureau personnel en découvrant la mine de son collègue qui entrait. Elle la condamna même depuis son bureau en se rasseyant. Le médecin psy, chef de service du niveau 9, n’était pas un minus habens du genre à s’affoler pour des peccadilles. Or, pour l’instant, il semblait décomposé par la confusion. Elle l’écouta lui narrer les incidents qui avaient éclaté et continuaient d’agiter les ailes de résidence mixtes du Centre. Quand il aborda la description de ce qui semblait être un véritable soulèvement dans les niveaux 5 et 6, la directrice leva une main pour l’interrompre.

 « Momento, Hamid.  Considérons déjà la situation jusque là - Si on ne segmente pas, on ne va pas s’en sortir ! Vous avez donc promis à ces excités que les liaisons seraient rétablies… »

 Hamid était un de ses adjoints les plus proches. Il avait prit sur lui et, selon toute vraisemblance, il avait analysé le danger et agi en conséquence. Elle réfléchit un instant. Le trajet jusqu’au bureau depuis le niveau 9 avait du lui prendre environ 10 minutes…

 « Vous avez quitté vos patients il y’a combien de temps, Docteur ? » - Lui demanda t’elle. Avant qu’il n’ait eu le temps de répondre, l’intercomm de son secrétariat avertit Ser Kunti d’une urgence. Résignée, la Directrice prit l’appel en grimaçant un rictus d’excuse à son collègue.

 - « Oui ? » - Dit-elle.

 - « Vous avez verrouillé votre bureau, madame. Excusez nous, il y’a ici une… »

 - « …Allo ? Bonsoir madame la Directrice, c’est Ser Zghirni - Puis-je participer à l’entretien en cours ? » - Fit la voix de la Chimpe. Mohanda entendait les exclamations offusquées des secrétaires que Zghirn devait tenir écartées des pupitres Vaev. Elle mit l’audio plein pot : « Veuillez accompagner madame le Docteur Zghirni Sgharnova, consultante psy de Terra, à la porte de mon bureau, je vous prie ! Et conservez votre calme, vous allez en avoir besoin. »

 Le psychiatre du neuf s’assit, fit passer une jambe en appui sur un genou, et attendit l’arrivée de leur collègue velue et impromptue. Zghirni entra en remerciant son accompagnatrice et alla s’asseoir directement dans le second fauteuil en face du bureau.

 « J’étais au niveau 9 lors de la bousculade avec vous, monsieur. Vous avez fait vite ! » - Signala t’elle à son voisin. « Pourrions-nous prévisualiser le contenu des bulletins d’informations sur le Voile vert, Ser Kunti ? Avant de prendre une décision ? » - Ajouta t’elle.

 La Dirlo alluma les screens muraux du bureau. Jusqu’à 20 heures 50, durant une quinzaine de minutes, ils surfèrent sur le Voile martien et les infos Chartistes en provenance de Terra.

 Hamid – « Erf ! Les infos à propos des combats à Votam vont mettre le feu aux poudres… »

 Ser Kunti – « Il nous reste un peu plus d’une heure pour filtrer les intrants comm et je n’ai ni les compétences, ni le personnel requis, pour effectuer une censure sérieuse de ce flot. »

 Zghirni – « Si les étages mixtes de la partie inférieur du site regardent ces bulletins, vu l’état général qui semble déjà y régner, il va y avoir une vraie émeute, madame. »

 Hamid – « Inch’Allah ! Si nous ne tenons pas à finir avec les miliciens des postes environnants et ceux du débarcadère navette dans les murs, il vaudrait mieux annuler les diffusions et chercher un prétexte convaincant. Si ces types là entraient dans nos locaux, maintenant, vu les évènements planétaires actuels, nous risquerions la grosse catastrophe. »

 Zghirni – « Avez-vous des locaux d’enregistrement en Tvid interne, chers collègues ? »

 Ser Kunti – « Oui, bien entendu : à l’étage en dessous de nous. Vous pensez à une annonce solennelle diffusée en circuit local sur tout le Centre ?»

 Le telcomm de Zghirni buzza dans son sac à main. Elle jeta un rapide coup d’œil sur l’en tête de l’appel avec ses Implants de comm. – Hornak à Zghirni – Suis parvenu au 11ème grâce à l’aide d’amis – Audeline Jonkmann est chez toi – Où es-tu ? -  Disaient les premiers mots en α-Crypt. Elle sortit son combiné et tapa juste – moi : ça va – Momento – Puis elle déclara :

 « Je pensais plutôt à un débat entre responsables de Schkoklan et à un état des lieux point par point, en diffusion directe, de tous les secteur de l’enceinte hospitalière…C’est inespéré, je crois que j’ai la personne qui pourrait pallier à notre manque d’expérience en matière de manipulations Vaev des informations et de filtrage des images. »

 Hamid – « Qui est-ce ? » - Zghirni tourna sept fois sa langue dans sa bouche sans répondre.

 Ser Mohanda Kunti ralluma l’écran mural et pianota vite fait un code sur les claviers de ses unités Vaev. On vit apparaître une fiche signalétique avec le visage de Hornak sous trois angles différents. Elle sourit à Zghirni, puis expliqua : « Le Major Hornak, alias Sir Hornak – officiellement : ingénieur spécialiste en fluides sur Mars. J’avais reçu cette mise en garde le concernant il y’a déjà une semaine. Elle émane des services de la sûreté gouvernementale d’Al Qahra II. Désolée, Docteur Zghirni, j’avais jugé préférable de garder cette carte dans ma manche. Ce sont là de vilaines petites histoires de linge sale entre verts…C’est bien lui ?! »

 « Vous êtes une personne avisée, Docteur Kunti…C’est bien lui ! » - Confirma Zghirni.

 Hamid – « Il nous reste une heure. »

 Ser Kunti autorisa la Chimpe à transmettre une demande de réunion immédiate avec Hornak. Pendant qu’elle donnait les instructions et les codes d’accès aux étages administratifs, Zghirni tapa sans se faire voir en α-Crypt Simiesque au détective velu : « Venir avec tout les autres – need soutien poilu – emmènes Audeline aussi – Please ! – Thenks. »

 « Ils seront là dans peu de temps, Docteurs. Ser Jonkmann vient, elle aussi. C’est elle qui a réceptionné le Major. » - Annonça t’elle à voix haute aux deux autres occupants du bureau.

 Ce sont donc quatre personnes qui vinrent devant les caméras de la porte verrouillée du bureau directorial. Ser Kunti reconnut Tomash et le Dr Hamid fit signe qu’il connaissait l’infirmière. Le cliquetis de déverrouillage des sécurités précéda leur entrée.

 « Rebonjour, Chambellan Jonkmann… » - Dit la Directrice tout en installant elle-même cinq chaises supplémentaires en cercle. Elle s’assit sur l’une d’elle, en face de Hornak. Le pedigree du Major s’étalait toujours pleine fiche sur l’écran mural du bureau, derrière le dos de la Bufflesse noire et Cheffe de ces lieux. En moins de quinze minutes, les échanges d’informations à propos de ce qu’ils savaient de la situation depuis leurs sept points de vue respectifs furent effectués. Ils avaient tous basculé en mode Implants α-Log.

 Hornak s’informa auprès de Ser Kunti de savoir où se trouvait le Centre de diffusion et de dispatching Vaev entre l’extérieur et la clinique. C’était de l’autre côté du grand Hall, en zone technique. Lui et Ser Jonkmann s’y rendirent pour la partie la plus délicate de leur plan. A peine arrivés, ils s’installèrent à deux pupitres. Les équipements ronronnaient en mode automatique. Il restait 25 mns avant qu’il ne soit 22 heures. Horn expliqua à Ser Jonkmann :

 « Il faut laisser les commentaires à propos des combats et des évènements de Nuevo Tampico, dès l’instant qu’ils sont relayés par un central studios…Werschten sie, Audeline ? »

 « Jawohl, herr Major ! Das ist ein propagandschtafflenwerk ! » - Rigola la Luxembourgeoise.

 

« Alles gut ! Fraulein.» - Le détective militaire Chimp, jetant enfin aux orties sa défroque de baroudeur de terrain se mit en devoir de mettre en application les longues leçons de lutte psychologique que son maître, le vieux Voroï, avait si patiemment veillé à ce qu’il les intègre toutes jusqu’à inculcation totale et nauséeuse. Il affectait d’un marqueur crypté tous les passages d’infos et d’images transmis par le Voile martien qui privilégiaient les évènements guerriers de Votam au détriment de ceux traitant du siège du Parlement. Ceux-là seraient filtrés avant diffusion sur le Centre hospitalier. La Ranke cherchait pendant ce temps les meilleures déclarations signalant l’impossibilité d’entrer en contact direct avec les Cavités Bios de Nuevo Tampico de ces derniers jours et elle les antidatait avec ferveur.

 « Tenez Major ! Voici déjà quelques propositions. » - Dit-elle, écartant sa mèche de ses yeux. Elle envoya les échantillons ainsi modifiés sur le pupitre Vaev de son voisin.

 « C’est parfait ! » - Fit le détective après avoir visionné le stock de demi vérités périmées. « Ça devrait suffire. Concentrez-vous sur la conférence en interne à présent, je m’occupe des dernières falsifications et du remixage. Das ist Prima ! Du bist ein Genius, Audeline ! » - Il lui envoya un baiser du bout des babines. Ser Jonkmann rosit de plaisir sous le compliment.

 La Chambellan provisoire des appartements hospitaliers brancha en urgence son pupitre sur la liaison/gestion avec la salle d’enregistrement de l’étage du dessous où les cinq autres conspirateurs finissaient d’installer l’espace et les équipements.

 …………niveau 15………….

 « Dans 6 minutes, nos attitudes corporelles devront attester, raconter, que nous sommes en train de débattre depuis de longues heures. » - Disait Ser Kunti aux quatre autres intervenants de leur faux débat en direct.

 « Vous êtes certaine que les patients de mon aile du niveau 8 vont gober cette histoire de promotion inconnue, madame la directrice ? » - Voulut savoir l’infirmière Chimpe, stressée.

 « Ta ta ta ! À Schkoklan, chère mademoiselle, Dieu : c’est moi ! Si je vous appelle madame la Responsable du personnel de tout le niveau 8, c’est que vous l’êtes ! » - répondit la bufflesse.

 Le Dr Hamid et Tomash mettaient au point les derniers détails de leur intervention en conciliabule.

 Ils commencèrent leur premier enregistrement à 22 heures pile.

 …………Schkoklan  -   22heures,  17 décembre 2365………..

 Lorsque les résidents, patients, et même, les personnels de Schkoklan, récupérèrent les liaisons avec le Voile martien, à 22 heures, nombre d’entre eux se mirent à rechercher sans plus tarder le contact avec leurs familles et leurs amis sur la planète rouge. Or, la plupart de ces derniers regardaient eux-mêmes les dernières Infos sur le Voile vert. La nouvelle de la reddition du Village Troupe et de la Cavité de chasse U 20 de Nuevo Tampico, venait juste de parvenir aux rédactions des Tvid News martiennes. Parmi les patients terriens, la plupart allumèrent directement les channels de News pour vérifier si la promesse de réouverture des liaisons avait été tenue. Voici ce que tous, par commentaires interposés de leurs proches ou directement à la source, purent découvrir sur les Screens.

 A l’écran - Visage d’un Reporter bien coiffé : « Nous interrompons les reportages sur la situation au Parlement d’Al Qahra III où les druidesses rebelles sont toujours retranchées avec leurs otages car nous venons d’apprendre que la situation à Nuevo Tampico est en train d’évoluer, en ce moment même…Nous retrouvons nos journalistes aux studios ! »

 (Sur ses unités Vaev, Hornak, à Schkoklan, s’empressa de télécharger l’ensemble des empreintes visuelles et vocales de cet inespéré reporter. Il commença à composer immédiatement une déclaration de son cru en réutilisant l’apparence complète du quidam comme un vulgaire avatar malléable à merci. Il demanda à Audeline de venir lui dire ce qu’elle pensait du résultat.)

 ……..Studios de Voile vert…….Ghrorh et Rosetta…….22 heures 07…

 

À l’écran, on voit des ruines de maisons et des fenêtres brisées d’où sortent de curieuses formes en tissus et bambous. Le texte défilant annonce qu’il s’agit d’images en léger différé de la Cavité de Chasse de Votam.

 Ghrorh – « Les défaites des temps passés voyaient les vaincus céder les pavillons de leurs Vaisseaux spatiaux aux forces qui l’avaient emporté sur eux. Cette absurde tradition qui conférait une majesté obscène à des tueries qui n’en méritent aucune, a heureusement été abandonnée lors de la guerre Vénusienne. Aujourd’hui, les renégats sanglants du Terrier U nous replongent dans une régression encore pire, directement issue de temps franchement archaïques. Ce que vous voyez sont ce que les anciens de Terra nommaient des drapeaux blancs ! Non contents de réduire en poussière les efforts de générations entières de bons et honnêtes citoyens verts par leur campagne de terreur et d’explosions souterraines, ces lâches nous signifient par cette ridicule démonstration d’oriflammes qu’ils admettent enfin avoir échoué et qu’ils s’en remettent à notre indulgence. Sommes donc si barbares que nous ayons besoin d’autre chose que d’une simple déclaration par communiqué radio ? »

 On voit les défenseurs sortir des décombres et des maisons, mains levées à bout de bras.

 Rosetta – « La Cavité U 20 est à présent sous le contrôle des forces gouvernementales de notre bien aimée planète, Ghrorh. C’est l’essentiel… »

 Ghrorh – (Avec des trémolos dans la voix) - « Vous avez raison, Rosetta. C’est l’émotion devant tout ce gâchis qui me conduit à redire encore une fois à quel point mon cœur saigne de constater que des citoyens de notre communauté puissent à ce point retomber dans les rets de la pire des barbaries. Nous retrouvons notre reporter de terrain à Votam… »

 

A l’écran, un type avec un micro s’avance vers le lieutenant qui surveille le désarmement des prisonniers jaillis des caches et des ruines de ce qui a été le Village Troupe de la U 20.

 « Lieutenant, que pouvez-vous dire aux verts de cette pénible victoire ? »

 Le jeune Rank en uniforme crasseux, couvert de terre, avise la caméra et finalement change de pose pour la fixer avec un air las : « Les adversaires se sont bien battus. Contrairement à ce que nos camarades nous avaient rapporté des premiers combats. Ils n’ont fait usage de leurs armes létales qu’en dernier recours…comme nous, du reste. » - énonça t’il, la voix fatiguée.

 « Pouvez dire que cette opération est un succès ? »

 « Je ne peux rien dire du tout. À part que mon escouade procède en ce moment même au tri de quelques prisonniers qui se sont rendus il y’a à peine un quart d’heure… » - Le jeune officier hausse les épaules et quitte le champ de la caméra.

 Les patients de Schkoklan venus du Terrier U et ceux qui avaient visité les lieux lors d’escapades en cavités Bio, expliquèrent aux autres spectateurs que les sas menant à la Rampe d’accès aux caves suivantes de la série Bio de Votam se trouvent à quelques centaines de mètres derrières l’amas de décombres qu’était devenu le Village Troupe.

 « C’est vrai que c’est là bas que sont enterrés….. » - Demandèrent leurs voisins.

 « Ouais ! Presque tous ! » - Répondirent les habitués de la nostalgie historique.

 Les News continuaient, sans que jamais on ne puisse avoir l’impression d’une appréhension globale de ce qui se passait sur Mars. Des images d’escarmouches brèves et violentes autour du secteur encerclé d’Al Qahra III suivirent. Les druidesses effectuaient des sorties inopinées pour empêcher l’installation de postes avancés trop proches de leurs murs. Les contacts étaient parsemés d’explosions et de tirs de snipers de part et d’autre. Les reporters de terrain là-bas, n’avaient apparemment ni le temps, ni le goût de faire de grandes phrases. Un passage particulièrement choquant montrait une Lysistrate salement touchée au ventre qui se tirait une balle sous le menton en voyant s’avancer une équipe de capture de la sûreté. Plusieurs personnes à Schkoklan quittèrent les groupes qui s’étaient formés devant les screens et les adolescents d’âge trop tendre furent arrachés à la contemplation de ces horreurs par leurs parents ou par d’autres adultes qui les envoyèrent liquider ailleurs leur besoin de comprendre.

 

Rosetta – « Nous sommes désolés de diffuser de telles images, chers concitoyens. Notre rédaction rappelle que les bulletins de cette partie du Voile News ne devraient être visionnés que par des adultes prêts à épargner cette vue aux plus jeunes et aux plus fragiles. »

 C’est à ce moment là que Hornak et Audeline choisirent d’intervenir en s’insérant dans la diffusion Vaev locale de la zone de Schkoklan. L’avatar du reporter en chef à Al Qahra III, bien à l’abri en deuxième ou troisième ligne du dispositif d’encerclement de la sûreté réapparut à l’écran - « On me signale que des incidents auraient éclaté au Centre de repos et de soin de Schkoklan où sont regroupé l’essentiel des survivant de la tragédie du « Ponant » et du « Strong Maru ». Des images en différé d’une conférence au sein des instances responsables de la fameuse clinique de l’hémisphère sud de notre planète son t apparemment disponibles… » - Fit le journaliste/marionnette virtuel avec sa propre voix recomposée.

 On voit à l’écran une série de vues sur le Centre hospitalier, puis une explosion souterraine suivie d’effondrements, dans un tunnel semblable à celui qui mène à Schkoklan. (Tous les tunnels se ressemblent peu ou prou, et Horn avait pompé la scène dans un bulletin traitant de l’hémisphère nord…) – En off : Voix trafiquée d’Audeline Jonkmann – « Rien ne sera-t-il donc épargné aux rescapés ? » - La scène bascule sur la pièce où Ser Kunti et Tomash, le Dr Hamid et la petite infirmière Chimpe, sont assis avec Zghirni dont le crâne est entouré d’un pansement sale. La Chimpe des Célèbes semble sortir de l’explosion qu’on vient de voir à l’écran. Elle sanglote en parlant avec peine : « J’allais à la rencontre de mon mari qui arrivait par la navette de 18 heures 30 lorsque tout à explosé. Je me suis réveillée dans le poste de garde des vigiles de la sécurité…ils m’ont vaguement soignée et je suis venue tout de suite. »

 Ser Kunti désigne la jeune infirmière velue du doigt – « Mademoiselle ! Pourquoi les entrées n’ont- elles pas pris en charge cette patiente, je vous prie ? J’attends des explications. »

 « Je me rends compte que vous vous attendiez à mieux de la part de nos services d’accueil madame la directrice, c’est que… c’est que…une…. une grande confusion régnait dans les niveaux d’accès du bas Schkoklan. » - Répond la Chimpe en baissant les yeux.

 Le Dr Hamid se penche en avant sur son fauteuil coquille – « Ce n’est pas un Gag bureaucratique, madame la Directrice ! En tant que responsable du niveau 8, je suis bien embêté avec ces troubles qui agitent les étages sous les pieds de mes patients, Ser !! » - Il s’emporte avec humeur contre la Bufflesse noire, qui accuse le coup, mais réplique aussitôt : 

 « Je n’en fais pas toute une histoire ! J’ai envoyé la responsable des Appartement hospitaliers se renseigner sur la situation dans les étages inférieurs, elle doit revenir d’un instant à l’autre. En tant que psychiatre, vous ne devriez pas affirmer quoique ce soit avant d’être sûr ! »

 « Comment ? Vous avez envoyé une patiente isolée déguisée en Chambellan dans la mêlée ?! Êtes vous devenue folle, Ser Kunti ? » - Le Dr Hamid offre une mine courroucée aux caméras.

 …………niveau 5………Salle collective de comm ……….

 « Il a raison ! C’est quoi ces décisions à la gomme d’Omash ? Elle n’a qu’à y venir elle-même nous parler au lieu de nous envoyer la grosse Jonkmann. » - Lance un type aux cheveux ras, cependant qu’un infirmier demande aux autres de se rasseoir, captivé par les Screens et empêché depuis trois heures d’avoir des échanges avec sa hiérarchie.

 Quelques patients se mettent à râler qu’ils voudraient surfer ailleurs sur le Voile. Une grosse onde de colère leur intime d’avoir à la fermer ou bien d’aller comm depuis un poste plus petit. Sur l’écran, la porte du fond de la salle de réunion/conférence s’ouvre et Audeline Jonkmann s’avance, qui déclare : « Vous aviez raison ! L’hostilité est telle entre glabres et velus que les pires instincts risquent de se déchaîner en dessous de vous, frappant indistinctement les uns et les autres. De nombreux patients vous font porter cette question : Que devons- nous faire maintenant ?! » - Elle se laisse tomber sur une chaise avec une posture parfaitement pathétique et l’écran rebascule sur les News générales.

 Hornak devant sa table de mixage Vaev et son pupitre, laisse passer quelques menues minutes de programmes divers et va se préparer un café bien fort à l’office technique du Centre de Gestion Comm. Il revient, l’air tout guilleret et se frotte les mains avant de reprendre son rôle de metteur en scène/dramaturge. – «  ça c’est du Rock’n Roll ! » - Songe t’il en se connectant d’un second pupitre avec les six autres dans la salle de réunion du niveau 15.

 « Bingo ! Il faut tenir encore quelques jours ! Qui écrit la suite du scénario ? » - Leur demande t’il par comm Audio Vid.

 

C’est ainsi que durant six jours et demi, les patients de Schkoklan eurent droit au feuilleton de leur propre réalité revue et corrigée par une équipe de soignants et de soignés qui s’amusaient parfois comme des petits fous en étoffant leurs épisodes d’histoires de plus en plus délirantes. Dans les étages, le besoin de suivre ces passionnants revirements pleins de suspense, de grands sentiments silencieux, et en prise avec l’actualité la plus brûlante, en portaient certains à camper devant les écrans collectifs. Velus et glabres mêlés, verts et bleus, survivants du Strong ou patients martiens grand teint, tous communiant dans la même envie informulée de ne jamais plus voir le bout de ce fichu tunnel en contrebas se rouvrir. Tant est enivrante la sensation de se sentir au cœur de l’action lorsque la grande Histoire se focalise sur vous avec ses senteurs de poudre, de sang et d’exaltation collective…. Seuls les 17 survivants du Ponant restèrent tout à fait en dehors de ce trouble « engouement ». Ils avaient parlé entre eux dès les premières minutes de la supercherie et ils avaient tout décelé, tout deviné, au bout de quelques phrases. Ils gardèrent un silence prudent et continuèrent à attendre une amélioration de la situation en faisant bande à part.

 Le 24 décembre au soir, lorsque l’annonce de la levée du siège au Parlement fut enfin confirmée, Ser Kunti et les autres descendirent groupés en tournée d’inspection à travers les 42 étages que comptaient les ailes hospitalières de Schkoklan. La situation y’était confuse, certes, mais sans gravité. Parvenus tout en bas, aux portes de l’accueil, il franchirent les sas des entrées et se dirigèrent vers le poste de garde des miliciens. Les lieux avaient été désertés depuis l’avant-veille, chaque type en uniforme de la sûreté ne pensant plus qu’à sauver les meubles et à retourner dare dare à l’anonymat le plus proche. Les « sept » prirent des matelas et des couvertures dans les chambrées du poste, les installèrent au pied des gravats et des rocs éboulés de la galerie d’accès et, après s’être félicités, ils dormirent comme une troupe de romanichels épuisés par un long voyage, jusqu’au 26.

 

Comme devait dire plus tard Ser Jonkmann : « Ach Jo ! Mon plus meilleur Noël ! »

 

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Solar Ranks
  • Texte de science-fiction/anticipation. Les siècles prochains l'humanité sera t'elle moins stupide que pendant ceux qui ont précédé ? Quelques parcours humains, animaux et végétaux en 700 pages.
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