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Solar Ranks
12 janvier 2010

(Lysistrates /Vs/Lysistrates)

 

Mars  -  Tunnel principal d’accès au Centre Hospitalier Spécialisé de Schkoklan.

 Ce fut le 17 décembre 2365 à 18 heure 25 que Hornak faillit ne jamais arriver à Schkoklan.

 Il occupait un siège dans la capsule/navette collective pour le Centre Hospitalier avec sept autres passagers, tous humains. Six d’entre eux étaient des retardataires, rescapés du « Strong Maru », comme lui, qui allaient s’enregistrer pour commencer leur séjour de repos. Le septième était un cadre infirmier qui venait prendre son service. Ils glissaient sur le rail magnétique depuis vingt minutes lorsqu’un barrage les obligea à stopper. La troupe hétéroclite de jeunes citoyens verts, Chimps et humains, qui les avaient forcés à s’arrêter, s’affairait à entamer la céramique des parois du tunnel aux sculpteurs à main. Une Chimpe avec un brassard vert et rouge orné du sigle OJ s’approcha de leur véhicule.

 « Vous ne pouvez plus passer, citoyens. L’accès à Schkoklan va être condamné. » - Dit-elle.

 Hornak vit que, une fois la gorge circulaire taillée sur le pourtour des parois, l’équipe s’employait à y insérer des explosifs brisants. Il bondit hors de la capsule et se planta devant la velue. – « Je dois me rendre au Centre avant que vous ne fassiez sauter ce segment. ».

 « Cousin ! Une fois que nous aurons fait dégringoler quelques tonnes de matériau rocheux sur cette galerie, je pense que les occupants du poste de garde de la sécurité gouvernementale qui se trouve à l’entrée de Schkoklan zone, auront du mal à croire aux histoires de patients très pressés de se faire soigner…Ils risquent d’être momentanément…mal disposés ! » - Signala la nana avec un sourire en coin. Ce fut l’infirmier humain qui sauva la mise au détective Chimp.

 « Moi aussi, mademoiselle, je dois passer. Je travaille là-bas. Ils ne pourront pas m’empêcher d’entrer, j’ai ma plaque professionnelle et je me porterai garant de sir ?.... » - Demanda t’il à Hornak. Ce dernier lui confia sa plaque d’Id en s’inclinant devant lui tout en le remerciant.

 « Okay… » - fit la Chimpe – « Il vous reste 11 minutes pour couvrir 500 mètres plus la distance de sécurité raisonnable…Disons 800 mètres – ça ira ? – Alors dépêchez vous messieurs. Nous avons eu des nouvelles de nos camarades de la Ruche de Votam. L’assaut a commencé là-bas. Et puisque les chiens du gouvernement font parler la poudre, nous allons leur montrer que nous en avons autant à leur service. Nous obérons toutes les liaisons inter Terriers de la planète entre 18 H 15 et 19 heures 30 aujourd’hui. Bonne chance. »

 Horn avait déjà empoigné son bagage qu’il mit à son dos, l’infirmier avait juste une mallette.

 « Filons ! » - Dit-il à l’humain en le tirant par la manche. Ils se mirent à courir en foulées qui se firent amples après une centaine de mètres. Derrière eux, l’équipe de sabotage faisait reculer la capsule au pas, loin des lieux, tout en accompagnant le mouvement. Au bout de 6 minutes, Hornak et l’infirmier passèrent sous le dernier arceau en intaille que les rebelles avaient miné. Le Chimp, voyant que l’humain s’adaptait à sa vitesse de trot consulta son chrono interne. A 10 minutes de leur départ de la capsule, il avisa un renfoncement de sécurité à leur droite. « Là ! » - Dit-il. Haletants, ils se plaquèrent dans la maigre alvéole. A H – 20 secondes, ils se bouchèrent les tympans et fermèrent leurs bouches. Le mur dans leur dos fut agité de brèves secousses et une poussière lourde envahit la galerie. La fille velue et ses acolytes connaissaient leur affaire, il n’y eut ni onde de chaleur, ni d’autre fracas que celui des éboulements. Un foulard sur la bouche, ils finirent leur progression en marchant. Recouverts de poussière, ils levèrent les bras alternativement en parvenant devant le poste de la sécurité. Les miliciens en uniforme les fouillèrent et vérifièrent leurs identités. Après une comm rapide avec le Centre administratif Hospitalier, ils leur donnèrent leur Quitus et les laissèrent continuer jusqu’aux sas de Schkoklan. Ce fut ainsi que Hornak fit son entrée dans une nouvelle phase de son existence.

 18 heures 10 – Cavité de Chasse – Nuevo Tampico.

 Voilà dix minutes que les trois drones avaient jaillis. La pluie de débris tombant des opercules sommitaux avait cessée au centre de la Cavité 20. Une fois leurs rotors en action, une des machines s’était dirigée vers le village Troupe. La seconde effectuait une inspection circulaire des bords de parois et la dernière sillonnait la région centrale. Chacune disposait de deux Opérateurs Pex, un pour l’observation/guet et l’autre pour les systèmes d’armements.

 Dans leur abri, les deux Chimps et la druidesse se tassaient sans oser bouger. Huit vilains madriers jetés à la hâte sur un trou creusé la veille, des branchage, deux épaisseurs de textile non tissé brut et quelques pelletées de terre et de pierraille par là-dessus. Voilà leur abri. Le froid de la nuit précédente avait regivré la surface des 90 cm de terre au dessus de leurs têtes. Le seul avantage de l’exiguïté de leur cache était que leurs seules calories corporelles suffisaient à réchauffer les lieux. Engoncés dans des combinaisons molletonnées recouvertes de leurs scaphandres légers NBC, ils ne quittaient pas des yeux l’écran de leurs détecteurs. Deux Lance-missiles, au centre de leur trou, presque entre leurs jambes, leur laissaient tout juste la place de se tenir accroupis, le dos contre les parois de terre crue.

 « Combien de temps tu crois qu’ils vont tourner ? » - Chuchota un des Chimp.

 « Un quart d’heure, vingt minutes peut-être, qu’est-ce que j’en sais… » - Répondit l’autre.

 « Vous croyez qu’ils en ont beaucoup, Lieutenante ? » - Demanda encore le premier Chimp.

 La Lysistratéenne, une ancienne watcheuse à la retraite, lui posa une main derrière la nuque.

 « Ce qui est sûr : c’est qu’il nous faut attendre que ces trois là finissent leur inspection pour le savoir, Gourhliakh. » - Lui dit-elle en lui massant brièvement le rachis. Ce fut quand les deux drones partis en vadrouille revinrent vers la zone centrale que le drame commença.

 …..Zone Ruche – Secteur sécurisé par la troupe – Salle des Opex…….

 Opex 4 et Opex 5, s’occupaient du drone resté en balayage de la zone centrale. Le pilote de l’appareil, qui en était aussi le tireur principal, opérait des allers et venues en mode aléatoire, se contentant de revenir en semi stationnaire au-dessus des caches qu’ils décelaient un peu partout pour que son partenaire du guet, Opex 5, en répertorie le contenu. Ils n’étaient plongés qu’en léthargie 1, très légère. S’ils s’exprimaient par le truchement de leurs voix reconstituées, c’était plus par habitude d’OPex que par nécessité. Le pilotage de ces drones était très simple.

 « Qu’est-ce qu’on se fait chier ! » - Transmit en Crypt interne Opex 4 à son camarade.

 « Eh oh ! On n’extrait pas du minerai, là. On n’est pas dans une zone rouge contaminée en train d’effectuer des réparations en milieu hostile, alors fermes là tu veux ! » - Jura Opex 5. « Tiens, regardes plutôt dans le trou là : leurs deux Lance-missiles….Ils ont l’air équipés de radars d’acquisition et de poursuite. Je le transmets en Crypté ça - c’est un scoop.»

 « Pas la peine ! » - Dit son partenaire avec sa voix reconstituée à l’accent traînant.

 Opex 4 était vraiment un sale con psychopathe, il n’avait juste pas encore eu l’occasion de le démontrer dans la réalité. Ce fut son heure. Prenant le contrôle total des commandes de vol du drone, ainsi que son statut de tireur le lui permettait plus ou moins, il fit pivoter les tourelles et envoya une volée d’obus à effet de souffle qui dégarnit l’abri de sa toiture, et il envoya une petite roquette au phosphore à suivre. Les deux Chimps et la vieille druidesse n’eurent pas beaucoup le temps de souffrir. En trois secondes, le Major superviseur des Opex lui bondit dessus et l’arrachait à son siège coquille en lui bourrant le visage de coups de poings, Opex 4 se réveilla la gueule en sang. L’officier le maintenait par le col, bras levé, prêt à continuer.

 « Ils nous pointaient au Laser, chef…j’ai répliqué sans réfléchir. » - Bafouilla t’il en bavant du sang. Le Major se tourna vers Opex 5, qui sortait lui aussi de sa léthargie tout en stabilisant en urgence le drone en manuel. Le pilote observateur/guet, le visage clos, lui fit un léger geste de dénégation de la tête et des yeux. Son poing s’abattit à nouveau sur la tronche d’Opex 4, qu’il projeta ensuite au sol où ce dernier resta prostré, en chien de fusil.

 « Il y’a un Maser Lourd longue distance sur vos drones, connard ! Tu vas aller au trou mon garçon - tout lieutenant que tu es - et tu n’es pas prêt de revoir le soleil. Crois-moi.» - Fit l’officier en se massant les phalanges. Deux sous-officiers, accourus en urgence, menottèrent et emportèrent Opex 4 vers son destin, qui s’annonçait uniformément sombre et douloureux.

 Sur une vaste mezzanine encombrée d’appareillages, le Général en charge de l’Opération donna l’ordre de commencer la Phase 1 de leur « reconquête » des cavités Bio de Votam.

 Ce fut donc aux alentours de 18 heures 20 que l’attaque par la voûte commença réellement. Neufs opercules supplémentaires volèrent en éclats, livrant le passage aux parachutistes de la sécurité. Chaque centaine d’hommes envoyait un drone par l’ouverture qui se mettait immédiatement à rôder dans la Cavité de Chasse. Les miliciens, largués à plus d’un kilomètre de haut au dessus du sol, se dirigeaient majoritairement vers le Village Troupe, du côté opposé à l’entrée, et vers la Rampe d’accès à la cavité suivante.

 Voroï, depuis le cottage Gomez, ordonna d’ouvrir le feu contre les drones de la région centrale. Les 22 drones dont disposaient les bataillons d’invasion furent descendus l’un après l’autre par les rebelles, et à 18 heures 55, l’ordre de repli général parvint aux servants des Lance-missiles qui abandonnèrent sur place le matos lourd et se replièrent pour venir prêter main forte aux défenseurs des sas d’accès à la Rampe vers la Cavité 19. A 19 heures 42, les miliciens de la sécurité gouvernementale virent un antique signe, presque oublié sur Mars, sortir des principaux nids de résistance du Village : des drapeaux blancs s’agitaient au bout de longues perches de bambous. Voroï n’avait laissé qu’un minimum de volontaires pour la défense de la petite bourgade. Leurs assaillants avaient eut la judicieuse idée - et la consigne ! - d’utiliser leurs Masers en priorité dans les combats au sol. Les rebelles eurent tout de même sept morts à déplorer, les miliciens 5. Les sas d’accès à la Cavité 19 étaient d’ores et déjà verrouillés et minés. Dans son poste de commandement, sur la mezzanine, le Général, retombé sur un siège coquille, remuait de sombres pensées où il se voyait s’arracher les cheveux de rage et d’impuissance. Tout était à recommencer !

 Zone Ruche – tard dans la soirée.

 « Je ne dispose pas du nombre suffisant de druidesses pour rectifier les idioties à répétition dont vous vous êtes rendus coupables ! » - Tempêtait la Colonelle Vestale dodue.

 « Vous nous aviez laissé entendre que quatre à cinq mille Lysistrates étaient prêtes à vous suivre, Ser ! C’est plus que je n’ai d’hommes sur ce site. » - Signala le Général de la sécurité.

 « Aha…et d’une : elles sont dispersées, et de deux : nombre d’entre elles appartiennent aux départements administratifs ou logistiques. Seules la moitié sont des combattantes entraînées. Comment croyez-vous que j’ai réussi à donner le change si longtemps au Siège des Hautes Sœurs - à coups de triques ?! » - S’emporta la Colonelle Lysistrate verte – « Je ne dégarnis pas mon dispositif pour essuyer votre échec, Général ! Concentrons-nous sur le Parlement. Un coup de force politique est la dernière et unique carte que nous puissions jouer dorénavant. Mes druidesses peuvent aider pour cela, mais pas ici. »

 La responsable des Taupes, la Ranke asiatique aux cheveux gris fer, prit la parole – « Je veux bien accepter de rester pour une seconde tentative, Général. Si elle échoue ou si elle ne parvient pas à résorber la situation, j’ai le regret de vous dire que mes équipes et moi-même, nous nous désolidariserons de vous. Faites venir vos propres renforts.» - Conseilla t’elle. La milice avait pu vider de ses habitants un secteur de la Ruche pour permettre aux 25 Taupes de forer leurs tunnels vers le bas et la paroi de la Cavité 20. Si elles reprenaient le boulot depuis celle-ci, ils ne seraient au moins pas gênés aux entournures à regarder derrière eux d’un air inquiet. – « Je suppose que vous vous rendez compte qu’il faudra cette fois déboucher dans la Cavité 18 et prendre en tenaille ces….rebelles ? » - Précisa t’elle.

 « Évidemment, Ser, nous ne sommes pas absurdes à ce point. Les renforts sont d’ores et déjà en chemin !» - Répondit l’officier, froissé.

 Les renforts n’arrivèrent jamais. L’attaque de la semaine suivante s’avérerait être un fiasco encore pire que le précédent. Lorsque les troupes de la Sécurité eurent pris possession de la U 18, sans résistance forte, les Sas des deux tunnels d’accès à la U 19, furent ouverts aux missiles furets. Une fois dans la place les escouades de miliciens visitèrent toutes les grottes, nombreuses, du Karst artificiel qui couvrait l’essentiel de ce biotope. Au bout de 17 heures de spéléologie militarisée, ils durent se rendre à l’évidence : il n’y avait plus personne dans la U 19…Voroï et ses séides avaient ingénieusement laissé de fausses pistes attestant de leur présence et dissimulé des simulacres un peu partout. Les rebelles s’étaient retranchés plusieurs étages en dessous, dans la U 15. L’assaut au Parlement d’Al Qahra fut annulé et lorsque les troupes engagées dans les Cavités Bio remontèrent en zone Ruche, ce fut pour y être cueillies par des Brigades de druidesses vertes restées loyales. Les Taupes avaient pu se dégager à temps et hormis leur cheffe ils/elles se dispersèrent parmi la communauté martienne.

 Sherhgi et Lewis, venus prêter main forte, redescendirent à la Cavité 13 vérifier s’il y’avait eut ou non des dégâts à la Ferme. Ils ne s’étaient pas portés volontaires pour les combats. Non qu’ils aient beaucoup craint pour leurs santés, mais ils avaient eu encore plus peur des imprécations et des larmes de remord du vieux Paul sur leurs mémoires défuntes au cas où ils auraient laissé leurs peaux dans l’aventure. Dans l’ensemble la Ferme avait bien passé le cap.

 « Au boulot Lewis ! » - Avait crié joyeusement Sherhgi. – « Remettons vite cet endroit en état de vivre et de fonctionner. » - Ils sortirent le bétail, petit et gros, et empoignèrent leurs outils.

 Cette semaine là, espace circummartien et surface. Secteur du Terrier Ω – β.

 Les liaisons entre Taupinières s’étaient malencontreusement effondrées, en une heure de temps ! Et il n’y avait pas assez de tunneliers pour dégager les passages comblés par le roc.

 La colonne de véhicules progressait lentement vers Nuevo Tampico et ses Rampes d’accès extérieures. Selon les prévisions, leurs barges bondées de miliciens et de matériels y parviendraient le lendemain en soirée. La Sécurité gouvernementale avait réquisitionné les équipements de transport de 32 Clans surfaciers un peu partout sur Mars. Ils s’étaient mis en route, s’ébranlant pesamment vers Al Qahra III pour les uns et Nuevo Tampico pour les autres.

 

« Il n’arrivera rien à vos trains de véhicules, les druidesses volantes sont clouées au sol ! » - Avaient assuré les officiers chargés de la réquisition. Effectivement, aucun intercepteur ne décollait plus des Kosmodromes militaires et aucune Guêpe ne survolait plus joyeusement leurs colonnes en battant des ailerons depuis que les troubles s’étaient aggravés sur la planète rouge. Les Surfaciers avaient haussé les épaules avec leur flegme habituel et ils s’en étaient retourné à leur chômage technique pour cause de conflit armé entre ces foutus termites verts.

 La Commandante Véviana Tédistaïa et ses deux coéquipières survolèrent la longue colonne à la limite de leur vitesse de décrochage, en arrivant par derrière. Elles volaient au dessous de la couverture radar. La Guêpe expérimentale GUR 7 balança une brassée de bombes anti piste à cinquante mètres devant le nez du véhicule de tête. Le command car pila net pour ne pas tomber dans les entonnoirs si brutalement apparus sur son chemin. Ils étaient pourtant sous le dôme d’exclusion aérienne du Terrier Ω – β ! Le chef de la colonne qui était aussi le Commandant du bataillon vérifia leurs coordonnées martiennes. Il aboya des ordres aux guetteurs et aux spécialistes gestion et comm de la Barge de commandement.

 « Nous sommes bien là où nous devrions être, Commandant ! » - Confirma un navigateur.

 « Ce n’est pas un modèle d’intercepteur connu, Commandant. J’ai bien eu le temps de la tracer, il est passé si lentement… » - Signala un des guetteurs.

 « Et bien, quand elle repassera si insolemment, descendez–moi cette chauve-souris ! » - Gueula leur officier. Mais Véviana ne repassa pas lentement. De plusieurs barges sortirent des stations automotrices de Lance missiles Sol-air sur chenillettes. Elles attendirent avec impatience que jaillissent les jolies petites fusées et Véviana engagea leur intercepteur dans une remontée en chandelle qui scotcha sur place les projectiles. Quand les druidesses se furent assurées que tous les missiles retombaient comme des crachats par un jour sans vent, la Guêpe reprit le chemin de son objectif. D’autres départs missiles furent déclenchés. Effectuant un crochet brusque en vitesse maximale, Véviana fut sur la colonne avant que les engins ne commencent leur demi tour. Après deux passages agrémentés chacun d’une nouvelle salve de feux d’artifices pour candidats à la mort subite, il ne restait plus aucun lance-missile en état autour de la colonne, seulement des patins de chenilles étalés sur la poussière martienne.

 Le command car remonta le long de ses véhicules et la colonne fit mine de s’ébranler vers son secteur de départ. Quelques cratères dans le sol martien plus tard, Véviana se décida a utiliser sa Radio : « Vous n’êtes qu’à peine à 18 kilomètres du Terrier Ω – β, allez-y donc à pieds. La Déléguée Kroenard est une charmante vieille druidesse, elle vous a préparé une collation ! »

 Comme rien ne bougeait dans la colonne, elle repassa en vitesse subsonique et s’offrit un tir de mitrailleuses en rase-mottes sur les toits des grosses barges qui se mirent à perdre leur pressurisation et leur air. Les hommes sautèrent vers l’extérieur comme des diables de boîtes en feu. Véviana et ses coéquipières détruisirent méthodiquement les véhicules, gros et petits, une fois que l’ensemble du bataillon, en scaphs de surface, se fut éloigné en direction du Terrier Ω – β. Cela aller coûter cher à la collectivité, mais enfin bon, il ne fallait prendre aucun risque…Elles n’étaient que douze Guêpes nouveau modèle en état de voler sur Mars.

 

Mars  -  Al Qahra III  -  Zone hôtelière du Parlement vert - 20 décembre.  20 heures

 Zoun était installée devant la grande baie du restaurant du quatrième étage. Elle avait installé une paire d’optique à fort grossissement dont elle n’employait la puissance qu’au minimum. En contrebas, sous les fenêtres : la Grand Place du secteur et ses nombreux débouchés. Sous la haute voûte de cette sous-Cavité d’Al Qahra III, face à elle, des mouvements sporadiques agitaient mollement les unités de snipers et de commandos de la sécurité. Sorah Adams entra et traversa la salle du restaurant, vide de toute tables, sauf trois, derrière Ser Ramdzong, et elle vint se poster aux côtés de la biologiste chauve. Le teint des vitres de Plex des baies du complexe hôtelier avait partout été réglé sur une polarisation maximale, pour gêner au moins les visées en oculaires ordinaires pour leurs assiégeants.

 « Ils peuvent tout de même vous voir et aussi vous identifier, vous savez… » - Dit la petite druidesse rousse d’une voix douce. Zoun continua à esquisser ses croquis d’oiseaux sur ses feuilles grand format. – «  J’aime bien celui-ci.  Qu’en pensez-vous Colonelle ?» - Demanda t’elle en désignant un croquis au fusain sur une des tables. Sorah Adams regarda l’oiseau sur la feuille et sourit. – « Très réussi ! J’ai de bonnes nouvelles, Zoun. ». La dessinatrice se retourna vers elle, mine de plomb dressée, avec une moue pleine de moquerie et de panache.

 « Si leur intention était de me descendre ce serait déjà fait. Et puis, si un mauvais plaisant parmi eux décidait d’appuyer sur la détente avant la fin, j’estime que ce ne serait pas une si vilaine façon de tirer ma révérence, Ser. » - énonça t’elle de sa voix posée de pédagogue.

 Chaque soir, depuis le début de leur claustration forcée, Sorah et Ser Ramdzong avaient bataillé en paroles et surtout en émotions. Toutes deux - petites femmes, ne laissait guère filtrer en public leurs sentiments profonds, ni leurs pensées intimes. La Colonelle Adams ferraillait pour essayer d’entamer le dégoût ressenti par Zoun à l’égard de Mars – « la traîtresse à ses idéaux ». De son côté, la biologiste du Terrier C laissait, pour une fois, s’écouler de sa mémoire physique tout ce que sa longue vie avait accumulé. Pas uniquement le bon et le mauvais, mais tout ce qui est entre. Toutes ces petites lâchetés sans conséquences apparentes, tous ces destins usés qui finissent par s’en retourner, dos fléchis, oublieux du plaisir des départs. A ce jeu qui n’en était pas un, Sorah avait fini par l’emporter. Embobiner son monde faisait partie de ses qualifications majeures et, là, elle était carrément motivée. Elle circonvint la chauve aux yeux bridés, l’ex compagne du grand Haskar. Sans avoir besoin du tout d’emberlificoter ses arguments comme une pelote de régurgitation de hibou bien léché.

 Du coup, Zoun s’était installé un atelier de croquis face à cette baie ! Elle montrait aux visiteurs et visiteuses ses planches - qu’elle colorait elle-même à l’encre ou à l’aquarelle - d’oiseaux de cavités et de fragments d’architecture en gros plan. Sorah Adams, toutefois, avait vu, elle, d’autres croquis, d’autres planches : faces révulsées de fatigue penchées sur des rambardes, formes crispées autour d’armes en appui, silhouettes de druidesses mortes allongées sur le sol et d’autres se tordant par terre dans les affres de l’agonie, telles des lombrics coupés en deux. Et d’autres encore, que les autres visiteurs ne voyaient jamais.

 « Nous avons pu capter et décrypter un message de nos sœurs sur l’autre hémisphère, près de la Caldeira. Elles ont fini d’interrompre les liaisons souterraines inter Terriers et assurent que les transports de troupes de renfort par voie de surface n’arriveront pas. » - Annonça Sorah.

 « En somme, leur tentative de coup d’état est en train d’avorter.» - Dit pensivement Zoun.

 « Apparemment. Il en serait fortement question… » - La petite rouquine opinait du chef.

 « Dans mon binoculaire, savez-vous, je vois des druidesses d’en face s’engueuler avec d’autres membres des équipes de nos gentils assiégeants. Trois fois, hier ! Et les canons des fusils m’ont semblé avoir baissé leur hausse tendue de quelque degrés.» - Signala la biologiste.

 Ser Adams tendit la main et s’empara de la mine de plomb de sa voisine pour la poser sur une table derrière elle. – « Il faut que vous soyez au procès, Zoun ! D’ailleurs, ma décision est prise : si vous n’y venez pas, je n’irai pas non plus et je me contenterai de rapports écrits ou préenregistrés. » - Déclara la Colonelle Lysistrate verte d’un ton définitif. Puis elle laissa là son amie et repartit au centre de supervision de défense pour s’enquérir du sentiment des Sénateurs qui avaient choisis de partager leur sort en cette sanglante semaine.

 Après sa sortie, Zoun, Ranke 3 née sur Mars, 206 ans, essaya de regarder encore à travers sa lunette optique pour choisir un nouveau sujet, mais sa vue était brouillée. Elle tourna l’engin vers le fond de la pièce et, s’asseyant dans une chaise en plastomères, elle fondit en larmes.

 « Ô Tengri – Ô Grand ciel ! Comme tes oiseaux sont maigres ! » - Se lamentait l’âme d’une petite fille martienne de cinq ans qui semblait devoir sangloter à n’en plus finir dans la cage de son vieux coeur.

 « La Déléguée Générale Ser Zoun Ramdzong et moi, nous rencontrâmes d’abord à l’occasion du procès en instruction des putschistes de Mars. Lorsqu’elle transmit la direction du Centre C 112 à mon amie Mèhèlia, je la retrouvais à nouveau. Nous eûmes alors de longues discussions en tête à tête. Avant de s’en aller de la planète rouge, qu’elle n’avait quittée qu’une fois - pour trois années - dans sa petite enfance, elle et sa sœur Borte me désignèrent comme agent/représentant artistique sur Mars pour elle et pour sa famille. « Pourquoi ne pas prendre une personne plus qualifiée ? » - Leur dis-je, affolée qu’elles se tournent vers quelqu’un d’aussi jeune et peu expérimentée… Cette énorme responsabilité est un honneur qui me prend parfois quelque temps. C’est aussi une des grandes fiertés de ma vie. Une exposition conjointe de ses œuvres picturales et de celles – plastiques - de leur père Yacine, a eu lieu sur Mars en 2371. Elle vient de prendre fin et son succès aura été sans égal. - (Fracas d’applaudissement dans le public). Je compte bien m’appuyer sur cette réussite pour pouvoir organiser une exposition itinérante de ces mêmes œuvres dans les différentes nations lors de mon propre retour sur Terra, l’an prochain. En espérant qu’elle m’y assiste elle-même.»

 (Allocution de Ser Strhashna  Sgharnova au Forum culturel martien de 2371, lors de la célébration/témoignage en l’honneur du 300ème anniversaire de la naissance de Yacine.)

 

 

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  • Texte de science-fiction/anticipation. Les siècles prochains l'humanité sera t'elle moins stupide que pendant ceux qui ont précédé ? Quelques parcours humains, animaux et végétaux en 700 pages.
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