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Solar Ranks
12 janvier 2010

(On n'est pas des boeufs !)

 

Mars  -  Village Troupe de la Cavité 20 de New Tampico  -  Forge Taverne.

 Voroï leur avait donné rendez-vous dans la salle de la Taverne plutôt qu’au Cottage. Hornak descendit de la navette et invita Strhashna à en faire autant avant de se saisir de leurs bagages à main. Il se dirigea d’un pas décidé vers la vieille construction à deux étages. Strhashna, un peu sidérée par l’aspect de l’espace de la Cavité en cette fin d’après-midi, lui emboîta le pas.

 ……………………………….

 Voroï se déplaçait avec peine, s’aidant de sa courte canne. Il crapahuta ainsi sur les deux cent mètres qui séparaient le petit atelier/restaurant du Cottage Gomez.

 Hornak présenta tout d’abord Strhashna aux deux maîtres forgerons qui l’avaient reconnu de loin depuis leurs établis. Le couple de Chimps martiens passa par la porte intérieure. Ils serrèrent dans leurs solides pognes d’artisans du métal la main de la Chimpe en l’assurant de leur contentement de les voir chez eux. Graniga, la serveuse, vint prendre commande.

 Voroï poussa sur la porte d’entrée et les surprit au milieu de ces effusions. Le regard de Strhashna fut littéralement vampirisé par l’apparition du vieux bonhomme singe. Elle continuait à serrer automatiquement la main de la forgeronne Chimpe, ne pouvant à nouveau tourner la tête vers elle pour écouter poliment ses paroles. Appuyé des deux mains sur son court bâton, le Général Chimp au pelage tout blanc la fixait avec une intensité non moindre.

 « Le Salut, Major Hornak ! » – Sa voix forte, nullement sénile, retentit, tandis que Voroï tapait quelques coups au sol avec sa canne. Le Major détective se retourna vers lui et le vieux s’aperçut tout de suite que quelque chose clochait avec Horn. Ses yeux jaunes, délavés, se reportèrent sur Strhashna. Il se décala vers son fauteuil en bois attitré et s’y laissa tomber.

 « Ce lieu est un véritable taudis, taverniers ! Et il faudra changer les puciers que vous me réservez en guise de coussins. » – Beugla t’il, avant d’éclater d’un rire Chimp de gorge – « Avancez, mademoiselle la bleue - chère compatriote - que je puisse toucher votre visage. » - Intima t’il. Hornak oscillait d’un pied sur l’autre sans parvenir à stabiliser son attitude corporelle. Strhashna progressait à pas lents vers Voroï. Elle se laissa choir au sol devant lui, les jambes en croisé. – « Ne pensez pas que mes yeux n’y voient plus, surtout. » - Fit Voroï en déposant son bâton derrière son siège. Les deux patrons secouaient la tête d’incrédulité. Ils repartirent vers leur forge. Graniga ne bougeait pas de son tabouret, derrière le comptoir.

 « Ne me faites pas honte, Patron ! » - Feula mollement Horn de loin.

 « Tais-toi donc ! Incapable ! Insupportable vantard ! » - Lui gronda le vieux Général, mains en appui sur les accoudoirs avec ses bras encore noueux. Les deux paumes ridées du Chimp glissèrent ensuite en passes légères sur le visage et le crâne de Strhashna. La fille de Sgharn ne remuait pas d’un cil. Hornak, en fond de salle, s’abattit sur un tabouret bas et posa son menton sur ses bras, l’air morose.

 Strhashna osa enfin ouvrir la bouche. L’auscultation de Voroï avait prit fin.

 « Mon père est mort, Général. » - Articula t’elle avec peine.

 « Sgharn est parti, c’est vrai - Son souvenir nous reste - Je suis désolé pour toi, petite. »

 « Vous le connaissiez ? » - S’étonna la jeune femme singe assise au sol.

 « Moi je le connaissais - quoique lui ne l’ait jamais su - J’évite les feux de l’actualité, même ici. Allons nous asseoir là-bas, à la table de quatre… Major, secouez-vous, par tous les Diables ! Vous étiez enfant en arrivant sur Mars, vous souvenez-vous ? Pas cette jeune personne ! Elle n’est pas restée coincée dans ses enfantillages – elle ! » - S’énerva t’il en se levant et en se rasseyant. – « Graniga ! Réveille toi, toi aussi. Et sors donc de derrière le comptoir de cette parodie d’auberge qu’est cette fichue boutique. » - La petite femme sèche vint se poster devant Hornak, toujours prostré :

 « Qu’est-ce que ce sera, monsieur Hornak ?! Vous ne m’avez toujours pas dit.» -  Sa voix était pressante. Les bizarreries Chimpes dans cette Cavité ne manquaient certes pas. Elle n’était pas craintive. Lançant un énorme soupir par ses narines, Hornak se releva et vint s’attabler en retrait. Ni près de l’une, ni proche de l’autre. « Une tasse d’Iguir. » - Dit-il enfin.

 

Après avoir bu, Voroï s’adressa à nouveau à Strhashna – « Il y’a actuellement, chez moi, une autre jeune personne Chimpe - Une verte - Ainsi qu’un vieil ami humain, qui est d’ailleurs le propriétaire en titre. Accepteriez-vous de m’y accompagner, Strhashna - fille de Sgharn ? »

 Strhashna – (opinant du bonnet) - « Je viendrai volontiers…. Et le Major Hornak, Général ? »

 Voroï – « Le but du Major était de nous faire nous rencontrer - C’est chose faite. La mission qu’il s’était fixé lui-même, et à lui-même, s’achève donc ici ! Qu’avez-vous à dire, Horn ? »

 Hornak – « J’ai à dire que les individus qui surveillent de loin les autres en permanence, commencent à me fatiguer, Général. »

 Voroï – « Ce que vous alignez là ne sont que de grands mots vides, Major ! Auto abusé par votre comportement d’éternel chevalier blanc, vous ne vous êtes même pas avisé de ce que ce cher Major Gleptarh pouvait bien être un de mes agents sur cette planète… Allez à Schkoklan, Hornak, au plus vite, et ne revenez que lorsque vous aurez recouvré tous vos esprits. »

 Hornak fit signe à Graniga qu’il voulait une autre tasse d’Iguir. Voroï se leva et récupéra sa canne. – « Voulez-vous bien m’aider sur mon autre flanc, mademoiselle ? » - Dit-il - Strhash passa un bras sous son coude. Avant de passer la porte, elle se retourna vers les tables :

 « Au revoir Horn – à bientôt ! » -  lança t’elle.

 …………à 200 mètres de là.……..

 Ce fut Mèhèlia qui ouvrit la porte du Cottage. Devant la mine de la Chimpe Amélio venue de Terra, elle lui entoura les épaules de l’un de ses longs bras. Voroï entra en clopinant et s’en fut occuper son canapé chéri. « Entrez Strhashna ! » – l’encourageait Mèhèlia – « Par les Mos ! Si un prédateur de cette Cavité vous voyait une tête pareille, il se dépêcherait de rameuter les autres pour vous déchiqueter à belles dents ! » - Elle guida sa sœur Chimpe bleue terrienne et l’assit d’autorité dans le deuxième canapé en cuir du salon. La fille de Sgharn, immobile, semblait presque comme une personne frappée de cécité. Eligio Gomez entra dans la pièce.

 « Tu as réussi, vieux et cruel Chimp ? » - Demanda t’il songeusement à Voroï.

 « Bah ! Il va dériver quelques jours entre euphorisants et amphétamines….Il finira par aller là où il faut. » - Le vieux haussa les épaules bien que son regard soit empreint d’une grande tristesse. Le bel Eligio s’assit en face de Strhashna et, après s’être trituré le bouc, il alla ouvrir l’alvéole de son Gamelan Chimp martien. Il prit des mailloches douces et se mit à jouer.

 …………………………

 « Chez nous, les Gamelans n’ont pas le même son… » - Finit par dire Strhashna.

 « C’est une méchante planète que cette planète rouge, mais un fier peuple que la communauté verte, mademoiselle ! Soyez la bienvenue parmi nous. » - Murmura Mèhèlia, comme pour elle-même, sans regarder directement Strhashna. Elle lui tendit un long segment de liane d’Omash et entreprit d’en mâchonner un autre. La Chimpe terrienne, machinalement, l’imita. La voyant recracher les fibres au fur et à mesure, elle recracha dans sa main comme elle voyait le faire en face d’elle. Les deux Chimpes déposaient les résidus dans une assiette posée sur la table basse. La musique assourdie des cloches du Gamelan tournait doucement à travers la pièce. Voroï baissa l’intensité lumineuse dans le salon et s’allongea sur le dos, mains sous la nuque. Il ferma les yeux et, bientôt, il ronfla... Mèhèlia le couvrit d’une couverture légère.

 

« Il n’emprunte plus l’escalier, il dort ici. » - Expliqua t’elle à voix basse à Strhashna. 

 

« Vous connaissez aussi Hornak, mademoiselle Mèhèlia ? » - Demanda l’autre Chimpe Amélio, en chuchotant elle aussi.

 « J’ai…travaillé en sa compagnie lorsque j’étais très jeune. Sur Mars et ensuite dans l’espace et après encore, sur Terra. Il y est resté et moi je suis rentrée. Je crois savoir que c’est à ce moment là qu’il a été envoyé chez vous aux Célèbes. »

 « Nous avons rompu le mois dernier. » - Confia Strhashna.

 « Rompre et lier sont les deux mouvements du cœur. - écrivait Egon ! » - intervint Eligio qui avait les oreilles en mode écoute fine. « Le cœur du vieux Voroï saigne de ne pas pouvoir aider mieux le Major Hornak, Ser Strhashna. » - Ajouta le musicien sans cesser de jouer.

 « Je n’ai pas l’habitude que l’on me donne du « Ser », monsieur Eligio. » - Signala la Chimpe.

 « Il va falloir vous y faire, c’est l’usage courant sur Mars. » - Lui dit Mèhèlia.

 

Eligio, sur un dernier vibrato des gongs, revint s’asseoir auprès d’elles. Il regarda son vieux camarade velu qui dormait comme un loir. Puis il fixa leur invitée.

 « Comment est votre belle-mère ?! » - Demanda t’il soudain. A cette question, Strhashna sembla transportée par la grâce : « C’est une merveilleuse personne ! » – Répondit-elle – « Je crois quant à moi que c’est une Mo ! Grâce à elle, nos souffrances sont repoussées. Si Sir Hornak s’approche assez d’elle, il sera ramené à une humeur plus juste. » - L’Omash, dont elle n’avait pas l’habitude, éclairait l’esprit de la jeune femme Chimpe de ses douces lueurs.

 « Nous n’avons plus eu de Mo depuis si longtemps, Strhashna….Puissiez vous avoir raison ! Mo Magda et Voroï ont vécu dans la même maison, non loin d’ici, vous le saviez ? Le Grand Haskar en personne a insisté, en son temps, pour qu’il hérite de la maisonnette de Ser Magda Jagelska.  Je vous y emmènerai, demain, si vous voulez.» -  Murmura Mèhèlia.

 « Quel métier exercez-vous, Ser Mèhèlia ? » - Voulut savoir Strhashna.

 « Je suis biologiste généticienne Biotech. Cela aussi je vous le montrerai. Vous ne comptez plus retourner sur Terra trop vite à présent, n’est-ce pas ? » - Demanda la velue verte.

 « Non… c’est passé…vous êtes de bonnes personnes. Je voudrais aller me coucher, ces lianes me plongent dans des abîmes bien réconfortants. J’ai sommeil. » - Bailla Strhashna avant de s’effondrer d’un bloc sur le second canapé. Eligio alla chercher une courtepointe dans l’alvéole de son Gamelan. Au moment où il l’en couvrait doucement, il chuchota à Mèhèlia :

 « Elle ressemble à s’y méprendre à Tsourhna Barnes. Et c’est pourtant une native de Terra ! »

 « Vous êtes rigolo, Sir Gomez, ça n’a rien du tout à y voir ! Réfléchissez ! Ses parents sont tous les deux des Chimps Amélios verts, après tout. » - Lui rappela la Chimpe généticienne.

 « C’est vrai ! Laissons-les dormir, Mèhèlia. Allons sagement nous coucher. » - Lui dit Eligio.

 Ils montèrent dans leurs chambres à coucher et le Cottage tout entier fut bientôt plongé dans un profond sommeil. Au loin, on entendait seulement glapir les lycaons et feuler les lynx.

 Hornak, effondré sur un banc de la Forge Taverne, fut le premier d’eux cinq à s’éveiller. Il avait à nouveau rêvé, sur le banc, de la panthère noire au sommet de la cascade de glace.

 « Te revoilà Hornak ! Alors, dis-moi : es-tu arrivé maintenant ?» - Disait-elle.

 « Je suis arrivé, panthère. Ne me parles pourtant pas maintenant, je t’en supplie ! » - Avait-il répondu en joignant les mains à la mode d’imploration Chimpe.

 « Et pourquoi donc ne dois-je pas parler, cher Hornak ? »

 « Parce que, cette fois ci, c’est moi qui ne devrait pas être là. »

 Le long félin femelle avait sourit en reprenant ses projections de neige avec sa queue.

 « Nous nous reverrons dans ce cas… ». -  Ajouta le fauve d’ébène – « éveilles toi à présent ! »

 La panthère avait ensuite bondit au dessus de lui. Au lieu de tomber dans le précipice, elle déploya deux ailes noires du type de celles des chauve-souris ou des dragons. Elle disparut ensuite au loin en planant. - Et Horn avait ouvert les yeux ! Pour se retrouver dans la salle de la Forge Taverne.

 Le Major Hornak s’étira et s’en alla prendre la Navette pour la Ruche de Nuevo Tampico. Parvenu là-bas, si près de la surface, il se dit qu’après tout puisqu’il avait ainsi mit un premier pas devant l’autre, le chemin de Schkoklan, sur l’autre hémisphère martien, ne lui prendrait pas plus de quatre ou cinq jours….Il devait arriver là bas une semaine plus tard, parce que – Bon – On n’est pas des bœufs, quoi.

 

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  • Texte de science-fiction/anticipation. Les siècles prochains l'humanité sera t'elle moins stupide que pendant ceux qui ont précédé ? Quelques parcours humains, animaux et végétaux en 700 pages.
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