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Solar Ranks
12 janvier 2010

(L'apprenti Immortel)

 

Cavité Lysistrate  K 37    Rebord Nord est de la Caldeira.

Véviana avait prit ses fonctions depuis une semaine. Son arrivée n’était pas passée inaperçue avec son visage tuméfié, son absence de bagages et ses Implants hors service. Elle s’était arrêtée une fois en chemin pour se refaire une « beauté » dans un nœud commercial du réseau. Le résultat était assez peu convaincant. Cette Cavité militaire Lysistrate était assez étendue. Sans être soumise à une séparation entre sexes aussi rigoureuse que sur Terra, elle fonctionnait comme une sorte de « Dôme souterrain ». Il y’avait des raisons à cela : On se livrait à des entreprises et des expériences un peu particulières dans cet endroit. Les druidesses ne détestaient pas l’idée de se réserver un peu d’air et de secret, sur Mars aussi.

Ser Tédistaïa n’avait parlé de son agression qu’à l’autre responsable de la sûreté du secteur - la cheffe suprême de la K 37, avec sa double casquette de responsable des opérations de sécurité et de superviseuse technique et scientifique : une grande belle Ranke émigrée sur Mars depuis son enfance d’Ouzbékistan, Ser Kara Khan. A la description détaillée des physionomies des assaillants, cette dernière les avait reconnu, enfin certains d’entre eux.

« Les deux Chimpes dont leur leader et le gars aux tifs bleus on les a croisés deux fois. Ils se planquent souvent en secteur M6 pour commettre leurs forfaits. On va faire une enquête discrète pour remonter leur filière de fuite et de repli ! » - Dit la Commandante Khan.

« D’accord pour ça seulement, alors, madame. Je ne souhaite pas qu’on intervienne en force. Ils auraient pu vraiment m’abîmer pour de bon, Ser, voire me laisser pour le compte sur le carreau et ils n’en ont rien fait.» - Intervint Véviana.

« Les choses évoluent sur le sujet de l’OJ sur Mars, Ser Major…- Répondit l’autre – vous étiez en Région Jupiter ces dernières années, je crois ? Il a été décidé de prendre des contacts discrets avec leurs groupes et leurs éléments les moins ivres de puissance et de violence. C’est sans doute l’occasion que nous attendions ! » - La commandante avait une voix très déterminée. Ses yeux étirés s’étrécirent, modifiant l’humeur qui émanait de son visage. « Changeons de sujet ! Les docks de montages de la Cavités sont agités d’une intense activité. De nouveaux vaisseaux rapides et de nouvelles Guêpes y  sont assemblés. » - Continua t’elle.

« J’ai été avertie de ces projets Haute Vélocité, Ser Commandante. » - Annonça Véviana.

« Venez donc observer nos petites merveilles, alors, Ser Tédistaïa ! » - Fit l’autre en souriant, l’entraînant par le biceps. La commandante ingénieure Kara Khan était terriblement fière du travail de ses spécialistes physiciennes. Son visage racé s’illumina en entrant dans les docks.

« Vers 2360, nous escomptions accéder à une nouvelle Vitesse dans l’espace. Gagner un tiers de temps sur les trajets transystèmes, portant le parcours Terra/Mars à moins de six mois. Faire retomber celui vers les confins de Jupiter/Saturne de un an à un an et demi maximum. Les Guêpes s’alignait sagement dans les cavités et les nouveaux moteurs étaient testés en vue de leur installation ultérieure dans les trois grosses unités de transport que l’ont assemblait patiemment en orbite. ».

  – (« Le Grand Bond en avant spatial du 24ème siècle » – par la Commandante ingénieure Kara Khan. Bibliothèque martienne).

Cavité 13 de la Taupinière U de Nuevo Tampico.  Ferme de « Paul Noalg ».

Quand il approcha, à pieds sur le chemin de l’exploitation, Kassandra réceptionnait les gerbes que lui tendaient Lewis et Pap’Paul. Elle les liaient d’un geste sûr et les rassemblaient dans le champ de seigle par faisceaux de trois. Sherhgi, l’ouvrier chimp, juché sur le siège latéral de la faucheuse hippomobile conduisait l’attelage avec dextérité. L’air de la Cavité était sur le séquentiel chaud de l’été des moissons et la chaleur bien que sèche était vive. La mule et sa mère jument trottaient sans se presser, la lame de l’engin couchait les épis au fur et à mesure.

« Nom d’un érable mou ! Sherhgi est le meilleur conducteur d’attelage que je connaisse, ces bêtes n’obéissent à personne aussi bien qu’à lui, pas même à moi, Criss !» - Disait le vieux à sa petite fille.

 

Il avait passé trois journées à observer de loin, au scanner radar, les allées et venues autour de la ferme avant de se décider à y entrer vraiment. Natif de Mars, Orland n’ignorait rien du règne végétal en Cavités, mais jamais encore, nulle part, il n’avait assisté à aucune scène d’une telle rusticité. L’outil purement mécanique, en acier, bois et ferraille. Les gerbes rassemblées sans l’aide d’aucun lien externe, l’aspect, la disposition des lieux, rien n’était comme sur les autres exploitations agricoles martiennes, ici. De loin il avait eu deux chocs en observant les occupants des lieux. Le premier, ce fut la certitude que le vieux Paul Noalg était bel et bien son arrière arrière grand père. Qu’il ne connaissait que via les holos et les récits de son grand père, le Surfacier. Le second choc fut celui causé à Orland par la beauté de Kassandra. A environ trois cent mètres du champ, il ralentit le pas pour les laisser identifier son arrivée imminente. L’attirail de watcheuse de Kassandra était d’une bien meilleure qualité que le sien. Les Newth avaient repéré son observation à distance depuis deux jours. Ce matin, Zoun Ramdzong, de visite chez eux, était repartie en module et Orland Newth, par prudence, avait patienté jusqu’à ce qu’elle s’éloigne. Il osait à présent se dévoiler.

« Il arrive, Paul ! Et c’est bien un black. Tu as gagné ton Pari.» – chuchota Kassandra en se rapprochant des hommes pour attraper deux gerbes. Son vieux tuteur et grand papa lui fit un clin d’œil entendu. Il avait gagé la veille avec elle que leur mystérieux observateur était un homme à peau sombre, comme eux mêmes.

« Comment le sais-tu ? Moi, avec mon attirail, je ne peux pas voir cela, à une telle distance. » - Avait-elle demandé, vaguement choquée. L’honnête Paul/ex Gloan Newth s’était moqué d’elle, avec malice - « Ma chère Kassandra, je ne me sers pas de ton attirail là, je t’écoute juste me décrire ce que tu peux capter et voir de son espionnage. Et je ne sais pas comment te l’expliquer, mais les Blacks procèdent de ce genre de façon quand ils épient de loin, pas les Visages pâles. » - Le vieux avait parié vingt couronnes solaires que son intuition était bonne.

Shirhgi ralentit l’allure de la faucheuse, puis fit arrêter tout l’attelage. Le grand type qui avançait vers eux ne lui disait rien de bon, à lui. Rien qu’à sa démarche, il sentait le vagabond et le fainéant. Lewis, lui, s’en foutait, ils avaient leurs coupe-coupes à la ceinture que pouvait bien faire l’arrivant pour les déranger ? Orland sentait son cœur battre la chamade au fur et à mesure de son approche, à cause de son aïeul qui le regardait s’avancer en s’essuyant le cou avec un grand mouchoir. A cause de Kassandra aussi, qui se tenait en retrait derrière leur groupe en continuant à rassembler les gerbes de seigle.

« Ma petite fille, ce type est un membre de la famille ou du Clan Newth ou je veux bien tomber raide mort à l’instant. » - Informa Paul/Gloan à voix basse, la main en coupe au dessus de ses yeux lorsque Orland ne fut plus qu’à vingt pas.

« Stop ! Cessez d’avancer jeune homme, vous êtes assez près pour l’instant.» - Cria t’il. Orland venait de franchir la limite de la parcelle toute en longueur. Au cri, il s’immobilisa.

« Avant d’aller plus loin, expliquez moi, d’abord, pourquoi vous nous épiez depuis deux jours, mon petit ! » - Ajouta le vieux tout en continuant de détailler l’intrus du coin de l’œil.

« Je ne suis pas venu pour vous déranger, grand père. » - Orland restait un peu indécis entre chemin et champ. « Je souhaiterais seulement parler avec vous en toute tranquillité. Sans mauvaises intentions. J’attendais juste que votre invitée soit repartie avant de me déclarer. »

« Héla, héla ! Depuis quand mon grand Pap’ est-il votre grand père, jeune homme ?! » – l’apostropha Kass en s’avançant un peu – « Je connais tous mes frères et sœurs, ainsi que tous mes neveux et nièces, vous n’êtes aucun d’entre eux ! » - Précisa t’elle avec un regard furieux.

« Je me nomme Orland, messieurs dames…Orland Newth. Je suis seulement venu vous voir monsieur Gloan. » - Lança le grand type en désespoir de cause.

« Bien. Vous avez en partie répondu à ma question. Certains individus, peu nombreux, savent qui je suis sur la planète. Vous semblez moins sot que vous ne le paraissiez au départ…Qui vous dit que moi je désire m’entretenir avec toi, jeune Newth ? » - L’interrogea le vieux.

Il avait l’air moins âgé que Paul et Kassandra ne l’avaient cru de prime abord.

« Eh bien, je vous le demande. » - On aurait dit un petit garçon. Paul ouvrit grand les bras en directions des deux ouvriers. « Désolé les gars, on arrête là. Il ne risque pas de pleuvoir sur les épis dans la Cavité…On finira demain. » - Les deux manouvriers jetèrent un regard vers Orland. Ils haussèrent les épaules. Shirhgi releva la lame de son engin et s’en fut dételer les animaux. Lewis se rassura un peu en se disant que Kass et le vieux pouvaient facilement s’en sortir seuls. Il alla saluer son patron et faire la bise à Kassandra, puis il partit à son tour.

 

« Okay. Allez, venez à la ferme, mon garçon, avant de prendre racine dans mon champ. Il ne sera pas dit que j’aurai laissé un grand gars poli comme vous, sans au moins faire un effort. »

« Je vous reconnais bien, monsieur, j’ai vu des holos de vous lorsque j’étais petit et que mon grand-père me racontait des choses sur vous. » -  Disait Orland pour se soulager d’un peu de sa tension nerveuse. Kassandra le saisit par une épaule pour interrompre sa marche. Orland se retourna vers elle. Par Zeus qu’elle était magnifique ! Ses yeux lançaient des éclairs.

« Écoutez mon vieux ! » – lui dit-elle d’un ton bien senti – « Je vous laisse jusqu’au moment où la cafetière sera chaude pour vous laissez vous épancher ainsi à bon compte, sans réfléchir. Après je vous poserai des questions et j’aimerais que vous y répondiez. C’est entendu ? »

« Reçu, reçu 5/5, mademoiselle. Vous pourrez même me poser les questions avant le café. J’ai parcouru un chemin assez conséquent pour venir vous voir, savez-vous. » - Orland avait recouvré sa fermeté de voix. Après tout la demoiselle avait la même apparence, encore presque juvénile, que les femmes avec lesquelles il vivait et se battait depuis treize ans.

« Vous êtes Surfacier ? » - Demanda le vieux tout à trac.

« Je l’ai été. J’ai quitté le Clan Newth à mes 27 ans. » - Répondit-il.

« Qui était votre grand père ? » -Murmura Paul/Gloan.

« Jean Jean Newth. Je suis au courant, il n’avait pas très bonne réputation, mais moi je l’aimais beaucoup. C’était votre petit fils n’est-ce pas ? » - Orland se demanda si il avait bien fait d’entreprendre cette démarche. Le vieux lui lança un long regard, ses yeux étaient tristes.

« Jean Jean n’a peut-être pas été un excellent Surfacier, mais son âme, elle, était rayonnante. »

Il ouvrit la porte sans mot dire et ils entrèrent. Après qu’Orland ait récité la litanie de sa généalogie au vieux, celui ci se tut à nouveau. Kassandra apporta la cafetière. « Pourquoi êtes vous venu, Orland ? » - Demanda t’elle en le servant. La lumière vive de l’après-midi en cavité d’été entrait à flots par les carreaux des vitres de la pièce.

« Disons que je suis un peu retiré de la communauté martienne…une amie née à Nuevo Tampico m’a parlé de votre existence. J’ai décidé de vérifier par moi-même. » - Dit le jeune homme.

 « Et que faites-vous dans l’existence ? » - L’interrogea t’elle avec un air narquois.

 « Je vous l’ai dis…je suis…un marginal. »

 Le vieux Newth et sa petite fille échangèrent un long regard de connivence.

 « Vous êtes à l’Organisation Jeunesse… c’est ça ?! » - Affirma Gloan, matois.

 « Euh….oui - C’est vrai. Dans le secteur de la Caldeira. »

 « Ce ne serait pas une Chimpe, votre amie ? » - Continua Kassandra.

 « Si. »

 « Je crois que je sais qui c’est…c’est Korhth. Ce n’est pas une âme de tueuse, Pap’Paul ! »

 « Comment la connaissez-vous ? » - voulut savoir Orland, un peu estomaqué.

 « Elle était avec nous en Région mauve - sur Europe. Dans la première expédition préparatoire. Elle a été condamnée pour avoir à moitié occis son commandant de bord. Rapatriée - ensuite plus de nouvelles. De tels destins favorisent l’entrée en semi clandestinité. Il niait avoir essayé d’abuser d’elle. On a vérifié, il mentait. Trop tard, elle, elle voguait déjà vers Mars. Comment va-t-elle ?» - Raconta Kassandra à la fois pour Paul et pour Orland.

 « Elle est notre leader au groupe de la Caldeira. Je comprends mieux certaines de ses réactions, à présent. » - Signala Orland. – « Sachez que si nous rançonnons, si nous volons, nous ne tuons ni ne violons. Je sais que nous sommes des asociaux, mais pas des salauds. »

 « Quelque chose me laisse sur ma faim, cher descendant – Dit Gloan/Paul – Tout ce que vous nous dites peut expliquer une simple visite comme pour un vieil oncle gâteux…cependant… ces précautions, cette surveillance préalable ? Quel est le déclic exact qui vous a propulsé jusqu’à nous ? Réfléchissez bien, ce genre de raisons et de causes peuvent nous échapper.»

 Orland fit un effort et tâcha de se souvenir des termes exacts de sa conversation avec Korhth. Après quelques instants, il lâcha :

 « Mon amie et leader m’a dit qu’après 13 ans passés avec eux je lui paraissais curieusement figé dans le temps, inchangé. J’avais toujours bougé, jusque là, je ne m’en étais pas rendu compte. C’est alors qu’elle s’est souvenue de vous. » - Risqua t’il prudemment.

 L’ancêtre Newth soupira et regarda la superbe Kassandra.

 « C’est bien ce que je redoutais…Kassandra, ma chère biologiste, il va falloir que tu fasses un petit prélèvement ADN de ce jeune monsieur. » - Annonça t’il. Kass arracha trois cheveux à Orland et alla allumer ses Unités Vaev et son chromatographe électronique.

 Elle revint avec une mine défaite et leur dit qu’il faudrait vérifier plus finement, mais que selon toute vraisemblance la similitude entre leurs deux structures génétiques était étonnante.

 « J’irai emporter quelques échantillon au Laboratoire de Zoun, après la moisson. Ceci dit, d’après moi, vous êtes affligés de la même anomalie chromato. » - Disait-elle, blême.

 « Oh que non, ma fille, pas après la moisson : Demain ! » - murmura Gloan. Il se retourna vers Orland. Le vieux aussi était gris pale. « Mon pauvre petit, comme vous allez souffrir. ». - Dit-il au jeune homme. Avant de s’effondrer, tête dans les bras croisés sur la table, en larmes.

 « Combien de temps est-ce que je risque de vivre, sans accident ni maladie, mademoiselle Kassandra ? » - chuinta en déglutissant avec peine Orland, qui se sentait à son tour assez mal.

 « Personne n’a la réponse, Orland ! Paul… excusez-moi je préfère utiliser son prénom terrien, a 353 ans et son vieillissement est tellement ralenti que nos instruments, pourtant fort sensibles, le décèlent à peine. Or, dans son cas, c’est une Amélio 2 qui a révélé ce phénomène. Vous, vous êtes un Amélio 3 Rank martien de Cavité profonde, je présume ? Oui ? Alors nul ne peux vous répondre que : longtemps. »

 L’honnête Paul se reprit et s’essuya dans son grand mouchoir. Il proposa à Orland de rester dormir à l’étage. « Pardonnez moi, je vais me coucher, chers descendants, malgré l’heure. Tout ceci réveille trop de souvenirs en moi. Sans compter que je pensais être à jamais le seul monstre vivant. ». Il alla prendre un somnifère et se laissa glisser dans un sommeil agité.

 Kassandra demanda à Orland de l’aider à préparer le dîner pour eux et Shirhgi. Leur repas fut des plus morne et des plus bourru. Un vrai repas de ferme de Terra, les mauvais jours gris.

 « Qu’allez vous faire demain, Orland ? » - Hasarda Kass en débarrassant son assiette.

 « À terme, je veux rentrer à la Cavité de notre groupe. Ils sont ma famille et mes amis. Quant à demain, je suis trop abasourdi pour y avoir même songé. » - Avoua Orland.

 « Pendant que je serai au Labo, puis-je vous demander le grand service de rester ici ? L’ancien est très secoué par tout cela. En cinquante ans je ne l’avais jamais vu pleurer pour de bon. » - Implora t’elle doucement. Le grand Black qui était au rang générationnel d’un petit-fils pour elle mais semblait seulement un peu plus jeune, opina de la tête. « C’est promis ! ».

 « Merci Orland. Venez, je vais vous montrer votre chambre et aller me coucher moi aussi. »

 …..……Cavité secrète du groupe de Korhth et d’Orland………….

 Leur escouade Lysistrate était entrée derrière deux membres imprudents du groupe qui s’étaient laissé prendre en filature après ce qu’ils avaient cru être un délestage de bourse de druidesse réussi. Tant qu’on disposait de sa liberté de mouvements, on pouvait espérer affronter une équipe de druidesses. En espace clos mieux valait laisser tomber. L’expérience le leur avait amplement démontré. Les deux vestales des assaillantes, dont l’une était la victime de leur séance de baffes un peu appuyées, la fifille de riche famille, exigèrent qu’ils déposent leurs armes. Korhth enrageait, elle déposa son Maser. Les autres firent de même.

 « Vous allez nous embarquer et nous confier à la justice pénale martienne ? » - Aboya t’elle.

 « Non, aucunement. Nous avons fait irruption de cette manière, en catimini, parce que si on vous l’avait demandé, vous auriez refusé de nous écouter. » - Dit la grande vestale, qui semblait être asiatique.

 « Nous ne parlons pas avec votre caste d’officiers ! » - Répondit une des filles du groupe.

 « Tss !...Vous êtes d’une violence stupide à l’Organisation Jeunesse. Toutefois votre groupe restreint nous semble moins primitif que certains autres et donc passible de servir de lien entre vous et notre propre mouvement. » - Reprit la Lysistrate.

 « On est pas des balances ! » - Cria un des gars, un humain, spécialiste du signal.

 « Il arrive un moment, jeune homme, où il est préférable de choisir de se débarrasser des éléments trop corrompus d’un mouvement. Le votre ne fait aucunement exception. Voici 15 ans que vous dérivez ainsi. Préférez-vous rester linkés à ceux que vous nommez les « Pouilleux » ? - Dit l’autre vestale, la fifille.

 « Ce ne sont que des chiens enragés, nous ne les craignons pas ! » - Annonça froidement Korhth. La vestale qui semblait l’officière en second lui sourit en retour – « Je vous remercie de vous être contenté avec moi de deux giclées de Maser et de quelques gifles dont je me souviendrai longtemps, mademoiselle Korhth. Ce sont les citoyens verts qui doivent les craindre lorsque ceux-ci décident de les dépouiller et de les laisser pour morts ou refroidis… »

 Les Chimps Amélios verts, surtout les femmes, détestaient que l’on utilise leur nom avant qu’ils l’aient autorisé. « Je vais t’avoir, ma petite. Ne t’en fais pas… » - Pensait Véviana.

 « Nous sommes au courant de votre histoire, mademoiselle Korhth. Notre mouvement est beaucoup plus puissant que vos groupes. Tout a été vérifié. Vous avez été victime d’une injustice, doublée d’une forfaiture… » - Poursuivit la Major Tédistaïa, sûre de son affaire.

 « Taisez-vous ! Je ne veux pas que vous parliez de ça devant eux ! » - Feula la Chimpe, furibarde. La Commandante Khan appréciait en connaisseuse la manœuvre de sa seconde.

 

Après une heure de pressions habiles, leur groupe s’effondra comme un chiffon sale.

 « Nous vous laissons avec les termes du contrat que nous désirerions passer avec vous… » - Dit alors la patronne des druidesses vertes. Elle posa trois datas cristaux sur un pupitre. – « 1.3 tétabits de données, bonne lecture. Contactez-nous lorsque vous aurez la réponse. Il est aisé de nous trouver : Nous ! » - Conclut-elle et elle fit lever le camp à leur petite escouade.

 Lorsqu’elles furent toutes ressorties, les membres du groupe, s’entreregardèrent  Les uns soupiraient de soulagement, d’autres tremblaient d’appréhension rétrospective.

 « Qu’est-ce qu’on va décider, Korhth ? » -  Demanda une des humaines après un moment.

 « On va prendre connaissance du contenu de ce satané contrat et attendre que Orland soit revenu. Il a le droit de participer au vote final. » - Décida leur leader, encore troublée par cette intrusion dont aucun d’eux ne comprenait si elle augurait d’une catastrophe ou bien d’une opportunité à saisir. Oui ! Il fallait de toute urgence consulter attentivement ces cristaux.

 Les opérateurs Vaev, les analystes et les spécialistes du cryptage signal s’installèrent à leurs pupitres et se mirent au boulot. Au moins ainsi ils s’occupaient à du concret ce qui les empêchaient d’être saisis du vertige de l’entraînement dans la spirale où leurs individus et leur groupe avaient été précipités. Korhth, au poste de gestion/guet, coordonnait leurs efforts pour déchiffrer les intentions, forcément diaboliquement perverses, de ces pontifiantes Lysistrates.

 ………………………….

 Au même moment, de l’autre côté de l’équateur martien, Orland se réveillait pour trouver les trois occupants de la ferme engagés dans un agréable travail masticatoire de petit déjeuner.

 « Bien dormi ou aussi mal que nous, cher descendant ? » - Le vieux Gloan l’invita à les rejoindre dans la douce activité matinale. Kassandra se leva et préleva rapidement sang, salive et échantillons divers sur Pap’ Paul/Gloan, puis fit de même avec Orland. Elle referma sa boite et les salua pour s’en aller prendre la navette pour la Zone Ruche du Terrier C.

 « Je serai de retour d’ici deux à trois jours – Leur dit-elle – Au fait, m’autorisez-vous à montrer vos échantillons à Zoun Ramdzong, la biologiste, Orland ? »

 « Toi, tu as une idée derrière la tête, Kass. » – Lui envoya son grand père.

 « Exact ! Je vais intervertir les deux lots et si Ser Zoun ne s’apercevait de rien, ça nous ferait gagner un peu de temps. Le Docteur Ramdzong à beau être mon amie…. Je n’éprouve pas de scrupules à tenter de biaiser avec ses éternelles suspicions.» - Avoua Kassandra.

 « Faites au mieux, mademoiselle. J’ai toute confiance. » – Répondit Orland, dépassé et trop occupé à boire des yeux l’image de la femme dans sa robe légère pour réagir à la question. 

 Lorsqu’elle fut sortie et que la porte fut refermée, Gloan revint s’asseoir en face du jeune homme. Le sommeil, même agité, lui avait redonné des forces. Il était tout ragaillardi.

 « Comment vais-je faire avec ces deux là ? » - Songeait-il.

 « Vous déposez toujours votre confiance aux pieds des gens rencontrés la veille, cher Orland ? Si tel est le cas, je ne suis pas étonné que vous ayez échoué chez les OJ… » - Conclut-il, doucement provocateur.

 « Je suis en train de tomber en amour pour votre petite fille, monsieur Gloan. » - Répondit le gars. « Comme elle est aussi un de mes ascendants, j’ai un léger souci qui me perturbe… »

 « La modification génétique accomplit des miracles, cher descendant, et seule une certaine morale sociale rancie réprouve ce type d’appariement. Vous êtes, après tout et avant tout, deux Ranks Amélios de rang 3, d’âges compatibles. Votre lien de parenté avec elle, ne passe que par moi, et il est ténu. Kassandra est d’un autre lit.» - Continua finement le vieux.

 « M’autoriseriez-vous à rester quelques jours ici afin de mieux vous connaître ? »

 « C’est elle qui vous l’a demandé, hein ? » - interrogea Gloan en souriant crânement.

 « J’ai 41 ans monsieur. Je peux aussi décider par moi-même. Ma vie est suffisamment compliquée pour m’avoir enseigné deux ou trois choses. » - Répliqua Orland, vexé.

 «  Savez vous vous pencher en avant, cher descendant plein de frasques et d’illusions ? »

 « Je vous aiderai n’ayez crainte. » - Promit le grand type aux yeux d’un bleu ciel de Terra.

 « Alors vous pouvez rester jusqu’à la Saint Glin Glin si ça vous chante. Nom d’un météore. Je n’exige que deux paires d’heures de travail journalières…au-delà, vous seriez payé ! Criss !»

 Le vieux éclata d’un rire un peu gras et commença à débarrasser la table. Shirhgi alla atteler les bêtes et quand Lewis arriva, les quatre types allèrent finir de faucher la parcelle de seigle.

 

« Vous ne battez pas les épis au fléau tout de même, j’espère ? » - S’inquiéta Orland, épuisé, en fin de journée.

 « J’ai des fléaux pour le fun…Bloody Hell. » – Reconnut Gloan – « Toutefois, j’ai également une batteuse vanneuse mécanique, Orland. Ne sois pas inquiet, tes mains ne seront pas calleuses. » – Le rassura le vieux black avec un rire bienveillant. Même les deux ouvriers admirent en fin de journée que l’allure de vagabond fainéant du jeune homme était une impression fausse due à leurs suspicions d’hier. Eux aussi, ils avaient eu du mal au début de leurs travaux à la ferme de Paul Noalg…

 « Quel est le but de tout cela, Paul ? » - Demanda Orland au souper.

 « Le but de quoi ? » -  S’étonna l’autre, sincèrement surpris.

 « De cette privation volontaire du recours à un minimum de motorisations. »

 « Les rythmes ! » - Dit l’ancien Surfacier Newth. « Lorsque tu es Surfacier, les rythmes qui t’entourent sont des machines. La nature du terrain l’exige. Les ordinateurs, les engins de propulsion, les scaphandres et leurs systèmes, tout est machine autour de toi. Sinon tu mourrais rapidement, tué par l’extérieur de la planète rouge. Et tes compagnons avec toi »

 « Cela est très juste. Il en va bien ainsi. Et ici ? » - S’enquit le jeune gars. Gloan souriait.

 Les deux ouvriers plièrent leurs couteaux et allèrent boire un pot à la forge taverne de la C 20. Ils avaient découverts patiemment ces réalités au cours des dix années de boulot à la ferme. Les deux Newth, malgré la fatigue, peut-être à cause d’elle, parlèrent jusque tard dans la nuit.

 « Retrouver les rythmes associés aux gestes du travail manuel est primordial pour garder le sens des réalités lorsqu’on est un bipède à main. Ces rythmes naissent d’une part dans le silence qui est derrière les bruits naturels, d’autre part dans le chaos des univers de machines. A charge pour nous de conserver l’harmonie entre ces deux pôles. Un citoyen qui sacrifie trop une des parts au détriment de l’autre au cours de sa vie est un être mutilé. Lorsque nous extrayions jadis du minerai en mode OPex, lors des premières missions vers la Région Jupiter/Saturne, un autre rythme se surajoutait parfois aux deux autres. Les cétacés auraient sans doute beaucoup à nous apprendre à nous autres, chartistes « à mains », à propos de ces rythmes ci, rythmes de l’esprit, du mental et des impulsions énergétiques. »

 - L’Apprenti Immortel – par Paul/Gloan Newth – (Bibliothèque martienne.  2375.)

 

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