Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Solar Ranks
12 janvier 2010

(Sgharn - Chimps et Cétacés)

 

Terra (Aqua).  2346  -  Archipel des Célèbes    Mer des Moluques

 

Zwyzy et Krtk se faufilaient entre les îles morcelées de la mer tropicale. Ils croisaient ainsi depuis une semaine au beau milieu du plus grand archipel de Terra.

« Tu es sûr ? - Ça va Krtk ? » - Couinait la petite Tursiops.

« Je te – clic – dis – que ça ne me dérange pas, Zwyzy -  Les Killer Whales supportent – clac -  les Océans chauds – Vous les Tursiops, vous – clek – supportez bien les transits en Mers froides lorsque – c’est nécessaire. Il y’a même – clic – des hauts fonds, pas loin du tout d’ici, au cas où je – clek – m’ennuie de trop ou si j’ai – cliouc -  trop chaud ! – Et puis – clac – ici, il y’a les espadons – clic – c’est bon l’espadon ! Tout Aqua est – clek – à nous ! Rien de – cloc – ce qui est maritime ne – clac – nous est – étranger.»

Depuis qu’il fréquentait Zwyzy en quasi exclusivité, Krtk était devenu très bavard pour un épaulard. Il l’avait même accompagnée à son accouchement en mer d’Irlande, causant là bas une épidémie de saintes frousses dans le quartier des dauphins du Clan O’Feysh.

 « Regardes Krtk ! Des villages Chimps Amélios ! » - Cliqueta triomphalement Zwyzy.

 

Les habitants Chimps Amélios de cette partie de Terra ne travaillaient pas dans le secteur de la pêche. Ils avaient des filets sur pilotis qu’ils remontaient au soir et quelques barcasses pour voyager, naturellement. Cela leur suffisait comme apport nutritionnel poisson  Leur truc : c’était le coprah, l’huile de coprah surtout, bien entendu. Les îles qu’ils occupaient étaient par leurs soins diligents pourvues de cocotiers en abondance, et casser les noix, en extraire la pulpe, la broyer puis l’emmener au pressoir, les emplissait d’aise en tant que mode de vie. C’est une industrie qu’ils avaient pour ainsi dire confisquée aux humains.

La technique de Zwyzy et de Krtk pour établir le contact était très simple. Ils se baladaient tous les deux ostensiblement en surface un certains temps, sautant, faisant des cabrioles jusqu’à attirer l’attention des Chimps. Après, une fois qu’un mioche ou l’ahuri du bled était allé chercher les autres pour jouir de leur prestation inhabituelle, Zwyzy s’avançait jusqu’au rivage et cliquetait. Depuis une semaine, en sept tentatives, tout ce qu’ils obtenaient étaient des nageurs autour de Zwyzy et les curieux bruits de voix des bipèdes à mains. Nageurs qui gardaient un œil circonspect sur l’animal noir et blanc au large. Cette fois, ce fut différent.

Zwyzy cliquetait depuis une bonne demi heure, repartant de temps à autre exécuter quelques prouesses dignes d’un Marineland avec Krtk. (Les Marinelands avaient tous été fermés lors du Deal entre les cétacés et les bipèdes terriens. « On ne s’offre plus en spectacles gratuits sans autre paye que la bouffe, quelques caresses humaines et la garantie de perdre le sens de l‘eau libre. Sans délégués syndicaux, ni code du travail et de déontologie valables ! » - Avaient-ils dit – « Les Chimps Amélios acceptent-ils de telles conditions de travail et d’existence ? ». « Non !!!! » - Avaient dit les Délégués Chimps de La Charte, les soutenant à fond sur ce coup là  – « C’est fini cette époque là ! ». On avait donc fermé les centres de loisirs aquatiques avec spectacle de cétacés, dès que le dernier cétacé captif était mort.).

 

Quelques adultes Chimps se grattaient avec application sur le rivage en causant avec animation entre eux. L’un d’eux alla chercher un hydro pondeur qu’il mouilla très intelligemment  Et – par toutes les Baleines ! -  Il composa dans un langage cétacé très élaboré. Même Krtk qui était resté plus loin comprenait parfaitement. Ces types avaient un sens du réglage ondulatoire excellent. Le Chimp leur disait :

« Le Salut habitants d’Aqua ! Les baleines tueuses et les dauphins se donnent des bisous maintenant ? C’est intéressant ! Vous dansez bien ! Que voulez-vous ? »

« Salut, joli peuple Chimp de Terra. Nous coopérons pleinement entre cétacés à présent. Nous faisons face à un danger commun. Nous voulons parler » - Siffla Zwyzy.

« Le gros Killer Whale au large est avec toi alors ? » - Envoya l’opérateur velu son casque sur les oreilles. Un second, puis une troisième Chimps apportèrent d’autres hydro pondeurs. Incroyable ! Ils avaient apporté du matos informatique aussi.

« Vous avez travaillé dans un centre d’enseignement et d’Implantation Cétacés ? » - Fit Zwyzy, très impressionnée.

« Deux d’entre nous, mais ils ont arrêté. » - Envoya en Sonar reconstitué la guenon Chimp.

« Pourquoi ? » - Voulut savoir la dauphine.

« Il y’a plusieurs raisons : le village nous manquait et puis on en a eu assez d’appareiller une autre race non humaine pour le compte des glabres ! » - Répondit un Chimp, le premier.

« Les glabres ? Qu’est ce que c’est comme mot ? » - Zwyzy était excitée de cet échange.

« Ça veut dire : sans poils ! Des fois, on appelle les humains de cette façon nous autres Chimps. L’orque qui est avec toi est-il capable de réfréner sa faim ?» - S’informèrent-ils.

« Je peux bien me retenir de bouffer – clic - une delphinidé – clac – pourquoi pas  - me retenir de croquer un – clek – Chimp ! Même si je suis un aussi un – clic – glabre !» - S’insurgea en sonar le gros Krtk au loin.

« Alors tu peux – clek – t’approcher aussi ! » - Dit un opérateur hydro Chimp en orque.

L’énorme Krtk, positivement ravi de la courtoise invitation, vint poser son énorme gueule sur le sable de la plage. La mer était étale. De nombreux Chimps, attroupés, assistaient à tout ça. Moins proches du rivage que les trois opérateurs, il est vrai… Des haut-parleurs, installés en toute hâte, relayaient leurs débats en Simiesque. Et les singes parlaient entre eux.

« Salut les – clek – velus ! » - Dit le gros orque.

« Alors. Expliquez-nous ce que c’est que ce fameux danger et ce que nous pouvons faire ? »

Au fur et à mesure qu’ils exposaient leur histoire,  ce qui exigea un long moment, la foule des Chimps s’agitait de plus en plus. Ils poussaient de hauts cris et se livraient à toutes sortes de signes et de démonstrations d’émoi.

« Ils vous appareillent ? Vous entraînent à endosser des scaphandres douloureux et veulent vous expédier sur Europe, aux confins du système ? » - Les opérateurs Chimps commençaient à s’agiter eux aussi.

« Non, ils ont déjà envoyé certains d’entre nous dans les étoiles ! » - Siffla Zwyzy.

« Envoyés à la mort ! Tu veux dire ?! » - Tapa l’opératrice Chimpe Amélio.

Un autre opérateur, toujours celui du début, resté le plus calme, envoya en sonar – « à votre avis, ces gens sont-ils nombreux ? »

«  Ceux du Centre – clek – caché – non – mais ils sont – clac – sûrement plus nombreux à participer à – clic – tout ça – sur – clic – Terra ! » - Krtk commençait à être gagné par l’agitation des Chimps, son phrasé donnait des signes d’affolement. Il se retira en pleine eau.

« Amis d’Aqua ! Nous…..nous devons parler entre nous de tous ces évènements intolérables. Et ensuite, il faudra revenir nous parler. D’accord ?» - Tapa l’opératrice Chimpe.

« Nous faisons comme cela, nous aussi : les Gens d’Aqua, amis velus ! Nous revenons quand chez vous ? » - Zwyzy et Krtk bondissaient dans l’eau devant le village Chimp.

« Dans deux jours ! Au revoir les poissons et à bientôt ! » - Envoya en sonar profond le Chimp du début qui était aussi le chef de ce Clan. Il savait que la plaisanterie ferait rigoler les Cétacés. Au Centre, elle leur arrachait parfois des larmes de rire.

« Nous - pas poissons ! Au revoir – clic – les velus  en – clek - colère ! » - Envoya Krtk en guise de réponse. Au loin, les deux mammifères marins sondèrent. Torhan le chimp, sur le rivage,  laissa ses deux camarades plier le matos. Il allait y’avoir du boulot pour calmer la tribu. Expliquer aux énervés qu’on ne prévenait pas la Troisième Charte de toute cette histoire affreuse. Et que – non – on ne prenait pas les armes !

Sous l’eau les deux cétacés victorieux se goinfraient avidement de poisson. Le sillage était long pour nager prévenir les autres et ils n’avaient que deux jours devant eux. Ils se mirent à alterner les positions hydro à deux. Ils eurent la chance, au détour de la mer de Banda, de croiser une escouade d’épaulards et de bélugas avec des individus Interfaces, Krtk et Zwyzy leur transmirent les données de base et confièrent à la petite meute cétacé le soin de répandre la nouvelle au loin : le contact avait été établi !

Deux jours plus tard, ils rallièrent le Village Chimp et y furent bientôt rejoints par d’autres responsables cétacés. Les discussions entre les deux peuples, Chimps et mammifères marins, devaient durer jusqu’à l’année suivante. Les façons de capter l’environnement et de le traduire en concepts variaient énormément entre hominoïdes et cétacés. Le dialogue progressait pas à pas, battement de nageoire après battement de nageoire.

 

De nombreuses questions furent abordées durant cette année. Qui ne concernaient pas toutes le danger en cours, d’ailleurs. De cette époque datent les premiers échanges sous forme de troc entre cétacés et chimps. Vers 2347, de magnifiques bijoux issus d’un artisanat Chimp nouveau commencèrent à apparaître. En corail, nacre ou en minerais rares qui avaient quasiment disparus de Terra. Ces précieuses ressources minérales qui refaisaient surface étaient l’objet de ventes aux enchères acharnées. Certains artefacts en minerais rares étaient immédiatement refondus par les acheteurs et réutilisés en industrie de haute technologie.

Les chimps anciens experts en centres cétacés chartistes, de leur côté, s’occupèrent de produire des Implants, surtout Log et mémos dont ils équipaient subrepticement les cétacés parti prenante dans les échanges ainsi amorcés entre leurs deux peuples.

Terra  -   îles Baléares  (Palma de Majorque)

Allongé sur des coussins mœlleux au bord de sa piscine, Felipe sentait la brise du début de soirée se lever avec soulagement. Sa paire de Ray Ban filtrait les ardeurs du soleil. Il se saisit de son mélange de jus et de pulpe de fruits préférés dans le seau à glace à côté de lui. Une des Chimpes employées de maison vint changer le seau de glace pour en apporter un nouveau et transvasa les contenus. Felipe, alias mister Import/Export, bailla d’aise.

« Merci Pirhla – Dit-il obligeamment – Pourriez-vous prévenir Madame que je serai de sortie ce soir, je vous prie ? L’air me semble excellent aujourd’hui. Vous dînerez sans moi. »

La petite Chimpe passa devant lui pour lui signifier d’un geste de tête qu’elle avait compris. Dans la piscine nageaient trois personnes féminines, deux Chimpes et une humaine. Cette dernière était le factotum et escort girl attitrée de Felipe. Il se leva et sortit un peu de l’ombre du parasol, une merveille d’artisanat Chimp en fibres rares dont il vendait un nombre impressionnant d’exemplaires en ce début d’été où les touristes terriens, toujours guidés par l’éternel tropisme du soleil, s’apprêtaient à rallier leurs quartiers d’estive.

« Le Bizness marche chaque année plus fort. Les gens s’arrachent les productions de l’artisanat Chimp. Ça roule tout seul.» - Songea Felipe en se rallongeant. Il avait racheté des licences de fabrication et de distribution de produits typiquement martiens aux Guildes d’artisans Chimps de la planète rouge. « Leur prix était exorbitant, mais ça valait le coup ! ». Maintenant, des manufactures chimpes terriennes tournaient à plein régime pour produire ici. En plus de cette activité, dont il ne s’occupait plus guère personnellement, il avait passé un deal avec des producteurs de la Région Jupiter/Saturne qui produisaient de l’insecte. Les Chimps adoraient les fourmis et les termites, ils raffolaient des nouveautés que sa firme importait. « Les humains s’y sont mis aussi. Quoi de meilleur qu’une bonne fricassée d’insecte en omelette ?! ». En gros, Felipe donnait du boulot aux Chimps de Terra et puis il leur revendait ses produits ensuite. Il gagnait sur les deux tableaux. Les nageuses cessèrent de tracer leurs longueurs dans la piscine et s’assirent sur le rebord. Elles se séchaient les unes les autres en devisant avec force cris perçants. Les deux Chimpes s’ébrouaient en riant, éclaboussant l’humaine. On distinguait parmi le tohu bohu  la voix plus grave et déférente de son garde du corps et chauffeur, Vincenta. Remontant enfin ses lunettes adaptées Chimp au dessus de son front bas, Felipe décida qu’il était l’heure de s’habiller pour descendre en ville.

Sur son trajet vers leur grande villa des hauteurs de Palma de Majorque, il héla au passage Vincenta pour lui demander de préparer le véhicule pour 20 heures. Ses deux filles, délaissant définitivement les jeux d’eau pour aujourd’hui, lui emboîtèrent le pas et l’entourèrent en lui grattant le dos et les épaules, qu’il avaient fort larges.

« Tu sors ce soir, Felipe ? » - Lui demandèrent-elles en cabriolant autour de leur père pour lui faire admirer l’état de leur forme physique éclatante. C’est lui-même qui leur avait demandé de l’appeler par son prénom. « Père ou Papa, cela fait surtout : vieux schnock ! » - Disait-il. Felipe était riche à millions en couronnes solaires et les Tics et lubies des riches Chimps sur Terra ne devait le céder en rien à ceux des nababs humains. « On ne va pas avoir l’air moins cons qu’eux, tout de même ?! – Proclamait-il souvent à table – l’honneur Chimp Amélio ne le tolèrerait pas ! ». Ce qui avait le don de provoquer l’hilarité de tous, sauf quand des invités de marque humains étaient présents. Auquel cas la phrase, à l’identique, était lancée par Felipe d’un ton docte et était suivie des mimiques graves et approbatrices de sa famille velue.

 

C’est que Felipe, sous son nom de Chimp martien, était diplômé de l’université d’Al Qahra III, la meilleure faculté de la planète rouge. Diplômé en commerce transystème. A 19 heures 56, vêtu d’un costume luxueux de lin, de coupe Chimpe, brun tabac, et d’un simple Bob d’une vulgarité étudiée avec le logo criard d’une marque de lessive imprimé en gros dessus, il sortit de la villa. Il monta bientôt à côté de Vincenta dans le coupé électrique décapotable. L’escort girl démarra et ils entamèrent la descente en lacets vers les quartiers huppés de Palma de Majorque. La conductrice roulait prudemment, sans s’énerver, un long cigarillo aux lèvres.

« Vous comptez passer au casino, Felipe ? » - Demanda t’elle à son patron.

« En fin de nuit, peut-être. S’il me reste assez d’énergie pour les surprendre en pleine dérive. Pour le moment déposez-moi à l’hôtel Excelsior, vous y entrerez avec moi pour ne pas attirer l’attention et vous m’attendrez dans le Hall. As usual.» - Répondit-il tout en saluant de la main les usagers de la route médusés par son look qu’ils croisaient régulièrement.

Vincenta était au service du Chimp vert depuis suffisamment d’années. Elle nota qu’ils allaient plus que probablement accélérer le rythme, devoir bouger vite et, qui sait, .peut-être loin. Ancienne Watcheuse Lysistrate verte, elle avait suivi son Boss sur Terra, 17 ans auparavant. Vincenta pensa qu’il ne servait à rien de s’en faire pour l’aspect logistique, son matos était à la Villa. Elle les déposa sur le parking réservé de l’Excelsior et fit ce que Felipe lui avait demandé. Pour tromper l’ennui, dans ces lieux d’un Kitsch écoeurant, elle utilisa son attirail (Son sac à main contenait des extensions/relais à son scan, son radar senseo de proximité ainsi que des amplis audio, bref, ses senseurs implantés voyaient ainsi leur capacité d’espionnage décuplée.).

Après l’hôtel, elle « visita » le Port et les bateaux amarrés, les terrasses du front de mer, les lieux de plaisir du quartier centre et ainsi de suite, en attendant que l’entrevue de son Boss se termine. Vincenta trouvait inimaginablement choquantes les attitudes collectives des terriens humains. Après 17 ans passés ici, elle ne parvenait toujours pas à s’y habituer tout à fait.

………..Chambre 324…………au-dessus……………

D’ordinaire, Felipe traitait alternativement avec Nam Nguyen ou avec sa sœur Suong qui étaient les responsables des opérations secrètes que la communauté verte martienne menait de temps à autres sur Terra. Or, aujourd’hui, lorsqu’il était entré dans la chambre, les deux Nguyen l’y attendaient. Le Chimp ventripotent ôta son couvre chef ridicule et se sentit un peu dans la peau de son employée de maison Pirhla les jours où il était mal embouché.

« Le Bonjour Sgharn. » - Commença Nam, tandis que sa sœur refermait la porte et vérifiait à nouveau le couloir au détecteur de mouvement. Felipe, le Bob dans une main, salua de l’autre sur le cœur. La sœur Nguyen, les cheveux poivre et sel, l’air toujours dynamique, vint s’asseoir à côté de son frère à la tignasse toute blanche et à la barbe et moustache à la Ho Chi Minh. Face à eux dans un fauteuil, Felipe – alias Sgharn – eut l’impression fugitive et assez désagréable d’être convoqué face à un Tribunal populaire d’exception.

« Alors, comment marchent l es affaires, Felipe ? » - Questionna Suong, d’un ton cajoleur.

« Mieux que jamais. Je suis obligé de déléguer le management de mes compagnies les unes après les autres pour ne pas finir comme la grenouille de la Fable. » - Dit -il, se ressaisissant.

« Ne vous affolez pas, Felipe. Vous n’êtes pas à nos ordres, ni mis en accusation. – Dit Nam – Il est heureux que vos affaires prospèrent, car il se peut que votre contribution financière soit la bienvenue. Nous savons que vous ne jouez à l’exploiteur de votre peuple que pour pouvoir garder crédibilité et mobilité au service final des Chimps Amélios de Mars et de Terra. »

« Je ne prétendrais toutefois pas n’en tirer aucun avantage pour moi et ma famille, Sir….mais pourquoi êtes-vous venus en duo ? Il y’a un problème ?» - S’enquit Felipe, qui trouvait que la situation commençait à nettement sentir le poil de Chimp roussi. Suong battit des paupières.

« Est-il exact qu’après avoir produit et distribué des items à base d’insectes, destinés à l’alimentation chimpe autant qu’humaine, vous vous apprêtiez à en faire autant en direction des cétacés ? » - Demanda t’elle avec un sourire, tout en se tapotant une joue du bout des doigts. « Aïe ! Pas bon ça ! Ils ont eu vent trop tôt de mes préparatifs.  Quelqu’un de ma propre maisonnée les renseigne, sinon, impossible. Vincenta ? » - Réfléchissait Felipe.

« Je n’en suis qu’au stade des études préparatoires. C’est toutefois exact, oui. » - Admit-il.

« Avec quoi comptez-vous vous faire payer, Sgharn ? Les cétacés ne disposent pas de numéraire…à moins qu’ils n’impriment des billets imperméables.» - Susurra la sœur Nguyen.

« Des nodules poly métalliques. Avec des nodules.» - Lâcha t’il précipitamment.

« Il en reste donc ? Après 150 ans de ponctions et de draguage des fonds marins ? » - Fit Nam.

« D’après mes interlocuteurs, il en reste. A l’état de résidus oubliés par les campagnes d’extractions. Ils m’ont fait parvenir des relevés et des photos en couleurs reconstituées... »

« Soyons sérieux. » – Le coupa Suong – « Primo : le Deal entre la Charte et les peuples cétacés interdit absolument toute tentative commerciale en direction de ces derniers. Secundo... » – Continua t’elle sans le laisser l’interrompre – « Secundo : D’où proviennent les relevés qui vous ont été fournis… le savez-vous vous-même ? Qui sont ces mystérieux interlocuteurs…Felipe ? »

Le Chimp ne sut inventer, en aussi peu de temps, qu’une semi-vérité peu crédible. Les cercles des deux Nguyen se rapprochèrent et leurs questions étranglaient de plus en plus ses positions. On aurait dit deux requins en vadrouille qui tournent autour d’une proie sans se presser.

« Donc, vous n’êtes qu’un sous-traitant ?! » - Continuait Nam d’un ton qui devenait farouche. Sa sœur, le regard rivé sur le Chimp, décida de mettre les points sur les « i », elle intervint :

« Je vais vous expliquer ce qui se passe, mon cher Sgharn. – Suong avait les coudes aux genoux, doigts joints et ses yeux étincelaient – Des Humains, vous ont contacté pour un appel d’offre concernant de la nourriture stockable et transportable pour les cétacés. Ces mêmes humains vous ont fait miroiter la possibilité d’être réglé en nodules poly métalliques. Selon moi, il est peu probable que des escouades de marsouins ou de cachalots se livrent demain matin à la récolte de nodules égarés au fond des talus continentaux de leur plein gré. Je ne sais pas pourquoi, cela ne m’apparaît que très peu plausible…Donc…s’ils ne se livrent pas à cette activité minière sous-marine de leur plein gré, il est en revanche très possible de les y forcer. Vous qui connaissez à merveille les Fables de La Fontaine, cela ne vous est pas venu à l’esprit ? Vous allez nous procurer pour commencer les originaux de TOUT le matériel et des images que ces gens vous ont fait parvenir après en avoir établi des copies pour vous-même. »

« Felipe » se contenta de hocher la tête en signe d’assentiment. Il aurait mieux fait de laisser tomber cette histoire de bouffe cétacée illicite. Nam avait raison : il n’était ni à leurs ordres, ni mis en accusation - il était seulement piégé, et soumis à un chantage imparable. Il leur dit :

« Je me suis laissé berné par appât du gain, et ensuite je me suis raconté des craques à moi-même. Les métaux contenus dans les nodules peuvent se négocier fort chers ainsi que vous le savez. Ils contiennent des éléments que même les meilleurs spécialistes miniers et géologues de la Région Jupiter/Saturne ne sauraient nous procurer. Je ferai tout ce que vous voudrez. Ne me dénoncez pas à La Cour pénale chartiste. J’ai une famille.»

« Allez cherchez ces documents et revenez immédiatement, Sgharn. Nous ne bougeons pas de l’hôtel » - Lui dit Nam en guise de réponse. Suong se releva et lui tint la porte ouverte, en trois bonds « Felipe » était dans le couloir. Il prit les ascenseurs où il se recomposa une figure Chimpe. Vincenta somnolait dans un des canapés du Hall. Il la regarda d’un air furieux.

« Que se passe t’il, Boss ? – S’étonna la druidesse – On dirait que vous avez vu un fantôme. »

« Rien ! On remonte à la villa et cette fois inutile de conduire prudemment ! » - Dit Felipe.

 

Ils se ruèrent à l’assaut des pentes de Palma de Majorque. Arrivés à la Villa, le chimp demanda à Vincenta de laisser la voiture devant le perron.

« Vous m’accompagnez dans les bureaux du second étage, Vincenta. Vous allez m’aider après m’avoir joué des mauvais tours et trahi la confiance que j’avais mise en vous ! » - Grogna t’il.

La mine de l’escort girl martienne s’assombrit un bref instant, puis redevint neutre. Elle le suivit dans les locaux où ils travaillaient d’habitude et d’où ils géraient son empire de sociétés à la surface du globe terrestre.

« Allez chercher les documents que vous avez transmis à vos véritables employeurs, afin que nous puissions en faire des copies, Vincenta ! » - Lui intima le Chimp furibond, une fois la porte refermée. Vincenta ne bougea pas :

« Je ne vois pas de quoi vous parlez, Boss. » - Assura t’elle, mains croisées devant elle.

« Nierez-vous que vous ne m’avez été adjointe que pour me contrôler, me surveiller et rendre compte aux hautes instances de la légation verte de mes moindres agissements ?! » - Hurla t’il.

Vincenta ne broncha pas : « Je ne le nie pas. Depuis le temps, je croyais que vous aviez intégré ce paramètre. Il n’en reste pas moins que je ne vois pas, pour l’heure, à quels fichiers ou documents vous faites allusion, Patron… »

Grignoté par une fureur lancinante, et gagné par l’appréhension, Felipe s’alluma un énorme cigare en se laissant retomber sur son fauteuil. Après quelques bouffées, il se sentit mieux. Vincenta restait debout à deux pas du bureau, exaspérante.

« Asseyez-vous au moins ! Ne restez pas plantée là, comme une asperge. » - Lui lança t’il. La grande femme aux cheveux blonds s’avança et se pencha sur le bureau en okoumé :

« Écoutez, Sgharn, je rends compte à la délégation générale de Vancouver tous les mois. Un rapport sur ce que nous faisons, mais pas détaillé ! Je ne transmets qu’une synthèse que j’établis moi-même. J’ai du respect pour vous, Boss, depuis tout ce temps. Vous êtes un peu véreux. Sans excès. Vos affaires, menées de main de maître, fonctionnent du feu de Sol. Vous ne refusez jamais votre aide à la communauté verte quand cela vous est demandé. Et votre « exploitation » des Clans et des Guildes d’artisans Chimps terriens est un conte pour enfants. En 17 ans de synthèses mensuelles, le contenu de mes rapports n’a jamais varié de ces termes et je n’ai pas idée de quelle affaire vous préoccupe. Dans quel piège vous vous êtes laissé prendre pour que les deux Nguyen viennent, ensemble, vous secouer les puces, je l’ignore.»

Jamais, en 17 ans, Vincenta n’était apparue sous ce « jour nouveau » pour Sgharn. Il se doutait qu’elle était là pour veiller à ce qu’il ne déraisonne pas. Une surveillance aussi assidue lui semblait d’une déloyauté sans pareille de la part de la communauté verte. Vincenta reprit :

« Ne soyez pas naïf, Sgharn ! Aucune communauté constituée ne laisserait une seule personne sans contrôle exercer son pouvoir sur l’ensemble de ses intérêts sur Terra ou peu s’en faut. Réagissez ! Allez chercher ces foutues données et poursuivons notre route. »

Felipe/Sgharn, le cigare au bec alluma en maugréant ses unités Vaev, lança une procédure de copie et ouvrant une des alvéoles de son ordinateur en sortit deux Data cristaux qu’il chargea fébrilement dans ses mémos protégés. Il éjecta les têts de son ordinateur, récupéra les cristaux qu’il glissa dans sa poche. Si ce n’était pas Vincenta, alors qui ?!

« Allons-y, chère Vincenta. Cap sur Palma. » - Dit-il mâlement à sa factotum/espionne.

« Je vais d’abord prendre mon matériel et j’arrive, Boss - Le tempéra Vincenta -. Mon petit doigt me dit que nous en aurons besoin. Allez  vous impatienter dans la voiture, je reviens.».

« Vous ne pensez pas repasser par la Villa, si nous devions partir ?! » - S’effraya Sgharn.

« Au contraire de vous, Patron, je suis au courant de l’historique des opérations secrètes menées au nom de la communauté martienne sur Terra…Allez m’attendre, s’il vous plait. »

………Chambre 324, Hôtel Excelsior de Palma…..……

Cette fois-ci, Vincenta ne resta pas dans le Hall. Une des portes latérales qui donnait sur une chambre/suite voisine du 324 avait été ouverte. Le dernier cri du matos de comm et de traitement de datas avait été installé sur le lit et sur la table. Quatre opérateurs verts martiens commençaient l’analyse détaillée des cristaux que Sgharn venait de leur fournir.

Sgharn, Vincenta et Nam s’étaient installés dans le mini salon de la 324.

« Il semble que vous nous ayez fourni ce dont vous disposiez. » - Annonçait Suong qui revenait vers eux. Elle s’assit et serra la main de Vincenta. – « Enchantée de vous rencontrer enfin Major….après 17 ans de rapports. Félicitations. » - Signala t’elle à la blonde druidesse.

« Et que dit la suite du programme, Ser Générale ? » - Demanda Vincenta.

« Vous partez en vacances aux Célèbes, Ser Vincenta. Vous emmènerez Sire Sgharn avec vous, il y’a là-bas des Clans Chimps Amélio terriens qui, sans nul doute, l’intéresseront au plus haut point. » - Répondit Nam avec un petit sourire. Il tendit sa main avec une boule Flex à la Major. La druidesse attrapa le dispositif et attendit que toutes les données lui parviennent, sagement stockées dans ses mémoires internes.

« Et pour ma famille ? » - Demanda piteusement Sgharn.

« Elle est sous la haute protection de la communauté verte, Sir. Ne soyez pas inquiet pour elles. Nous laisserons à Palma quelques uns de nos agents. » - L’informa tranquillement Nam.

 

Vincenta fermait les yeux pour prendre connaissance des grandes lignes de sa mission.

 

« Ouah ! En avion de ligne !?... » - S’écria t’elle  – « Comme c’est délicieusement rétro. »

« Les habitudes de vie de Sir Sgarhn ont un peu…amolli sa capacité à utiliser les trajets stratosphériques/navette sans risques pour sa santé, avons-nous pensé. » - Dit Suong en jetant un œil bonhomme sur l’accorte bedaine de « Felipe ».

Vincenta, se releva et salua tour à tour les deux Ranks vietnamiens.

« Général ! Générale ! Si vous le permettez, Sire Sgharn et moi-même partons sur l’heure. Le vol décollant dans trois quarts d’heure à l’aéroport international de Palma. » - Fit-elle devant les yeux incrédules du velu grassouillet, toujours en costard, avec son plaisant Bob à la main.

« Pour la dépense, adressez-vous à notre ami chimp d’affaires ici présent, Major. Il met à notre disposition l’essentiel de ses avoirs et il a ses moyens de paiement chevillés au corps…Oh pardon, excusez-moi, je voulais dire : Implantés. Bonne chance Major. Bonnes vacances, Sire Felipe. » - Conclut Nam avec un salut militaire très réussi. Suong regardait la scène en ricanant sans beaucoup de retenue. La Major Vincenta, voyant que Sgharn ne remuait pas, et ne semblait même pas en mesure de le faire, ramena ce dernier à la dure réalité.

« Debout, Boss ! Le pas le plus difficile d’un voyage est le premier. N’est-ce pas ce que vous préconisiez comme attitude, face à l’inévitable imprévu. Je ne veux pas avoir à vous porter. ». Dans la minute qui suivit, ils étaient dans le couloir et réussirent à grimper dans l’avion à temps pour trouver leurs places.

 

En ce 24ème siècle, où les dirigeables rapides et les navettes de jonction circumterrestres assuraient l’essentiel des transports passagers longues distances, prendre l’avion était devenu une rareté. En passant au dessus des îles grecques, dans une atmosphère limpide, Vincenta était penchée le nez à son hublot. Elle contemplait les joyaux de la mer Ionienne avec émotion. Dans son Terrier, sur Mars, l’histoire ancienne l’avait toujours passionnée lorsque, adolescente, ils l’étudiaient. Depuis 17 ans qu’elle écumait Terra avec Sgharn, elle avait accumulé une masse de savoirs et de connaissances supplémentaires impressionnante.

« Si je survis à cette mission, je donne mon congé et je retourne essayer d’enseigner sur Mars ! Je suis certaine de réussir aux examens.» - se promit Vincenta, avant de retomber sur son siège. L’escale de Bombay était encore à trois heures, elle s’octroya deux heures de sommeil programmées. Elle regarda Sgharn qui s’était assoupi, terrassé par tant d’évènements.

« Dormez bien, Boss. Nous n’avons pas terminé cette course là ! » - Pensa t’elle en sombrant.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Solar Ranks
  • Texte de science-fiction/anticipation. Les siècles prochains l'humanité sera t'elle moins stupide que pendant ceux qui ont précédé ? Quelques parcours humains, animaux et végétaux en 700 pages.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Publicité