(vous êtes viré !)

Terra……Fortin japonais……… (Japon central)…………

Takashi Onomoro et Shaarka, dans le bureau, débattaient à bâtons rompus à propos de Willario Somson. La Générale Ranke indienne était de loin la plus véhémente.

 « Les Verts martiens qui le désirent vraiment, peuvent tout à fait avoir accès à ces informations Takashi. Les triumvirats et Zdenka Placek ainsi que beaucoup d’autres sont d’ores et déjà au courant. Là bas, sur Mars, ces questions ne sont pas tenues si secrètes. »

 « Vous savez bien que ce n’est pas vrai, Ser. Seules les autorités de Mars sont au courant ou ont accès à tout cela. Or, aucune d’entre elles n’a réellement été démocratiquement élue. »

 « Takashi ! Écoutez : Willario est un électron libre, il est potentiellement dangereux ! Qu’il finisse son livre, qu’on le publie et qu’il retourne chez lui après avoir passé des accords avec certains membres des EVO ne me dérange aucunement. Lui offrir sans réfléchir un tel moyen d’action sur les consciences, en dévoilant tous les ressorts cachés des dernières décennies n’est pas prudent. »

 « Si c’est là votre opinion, j’en appellerai à l’arbitrage de la Protectrice Placek, madame. »

 « Attention ! Vous oubliez à qui vous parlez, Onomoro San ! C’est l’avis de votre supérieure directe, pas une simple opinion. »

 « Quelque chose dans toute cette histoire vous mets hors de vous et je crois deviner quoi… Ser Mukherjee. »

 « Prenez garde vous dis-je ! » - Fulmina la Générale en levant un index impérial.

 « Les types comme Willario, qui sont habités par une idée, vous terrifient parce que vous avez un problème avec la pureté. » - Lâcha impitoyablement Takashi sans desserrer les dents.

 « Parfaitement ! Ces gens sont des instables et ils croient en la pureté de leurs convictions. »

 « Pas vous ? »

 « Pas de cette façon là, Onomoro San. Vous, un adepte du Zen, vous devriez le savoir. »

 Le japonais eut une moue dubitative et concentra habilement toute son énergie Qi dans son bas-ventre - « Hmm…Que devrais-je savoir, Shaarka ? » - Dit-il, en sanscrit, dans les basses.

 La colère de la Générale retomba en creux aussi vite qu’elle était apparue. Sa voix devint parfaitement atone, effrayante, presque désincarnée. Elle expliqua, comme une ombre surgie du fin fond de l’histoire humaine, elle aussi en sanscrit :

 « Mes parents malgré leurs qualités, n’étaient pas personnes particulièrement intelligentes. »

 Elle leva à nouveau un doigt mais cette fois-ci pour souligner ses dires, calmement :

 « Je suis issue d’une très ancienne famille de Brahmanes, Takashi. Toute mon enfance et ma prime jeunesse n’ont été qu’une horrible danse autour des notions du Pur et de l’Impur. Je ne supporte pas lorsque les enjeux reviennent se focaliser autour de ces points… que je hais. Pourquoi croyez vous que j’ai signé à mes 23 ans un engagement ferme dans la Marine de mon pays d’origine si ce n’était pas pour me défaire de toute cette cruauté morale ? Pour moi la décision que Takuzawa a prise en nous envoyant ce bonhomme n’était pas justifiée.»

 « Le général Xu aurait assumé ce risque, lui. » - Rétorqua vivement Onomoro.

 « Huan Xu s’est souvent trompé. » - Rétorqua t’elle, récupérant son humeur vindicative.

 « Pas sur la Région Jupiter/Saturne ! »

 « Comment pouvez-vous l’affirmer ? Objectivement. »

 « Nos chefs étaient déjà corrompus par le pouvoir dans des proportions que seuls leurs subordonnés ont pu deviner, Ser. La violence de leurs réactions aurait été ce qu’elle a été. Admettez-le une bonne fois au lieu de vous complaire dans cette auto récrimination absurde.»

 « Vous allez trop loin, Onomoro ! » – gronda Shaarka – « Voulez-vous quitter votre service auprès du Motif pour être ainsi libéré de vos engagements vis-à-vis de mon autorité ? »

 « En effet, Ser générale. Ce serait préférable.»

 « Vous vous dites sans doute que je suis guettée par une dérive autocratique, Colonel ? » - Demanda encore  Shaarka sur un ton qu’elle tentait vainement de ne pas rendre menaçant.

 « Ma pensée ne va pas jusque là… madame. »

 « Bien. Alors les membres dirigeants de l’instance statueront. Au revoir, Onomoro San. »

 Ainsi prit fin, pour un moment, l’engagement de Takashi Onomoro auprès du Motif et du Directoire des Protectrices Vertes. Le japonais ne prit pas le risque de se ruer directement chez Father. Les mesures de rétorsion que Mukherjee aurait pu prendre contre ses amis l’arrêtèrent un bon moment. Il attendit patiemment que les transports en provenance de Titan aient déposé tous leurs passagers. Puis, Onomoro guetta les évènements, en attendant que l’heure de fondre sur sa proie consentante arrive. Father avait informé de son projet l’éthologue martien. Si Shaarka avait, elle, un signalé problème avec la pureté et l’impureté, lui, c’était plutôt avec la vérité en tant qu’arme de combat qu’il se débattait pour l’instant.

 Et puis, Ondine l’attendait à Kanazawa. Elle avait bravement continué à assurer l’intérim de leur Dojo. En franchissant les portes de bois de ce dernier, trois jours plus tard, Takashi se rendit compte combien sa vie ici lui avait manqué. Ondine animait un atelier de Wii pour des anciens et une séance de Katas pour des adolescents. Il alla enfiler un kimono et se lança dans la pédagogie corporelle avec délice.

« Ma présence à mon bref retour sur Terra ne fit pas que des heureux. Je me contentais donc de conserver un profil bas, très bas, ainsi que nos ancêtres Ranks terriens avaient dû apprendre à le faire avant la Crise des missiles. » - Mémoires d’un sale Vert – Willario Somson.

 « L’espèce humaine ne peut s’imposer qu’en tant qu’apparition transitoire et improbable d’une forme de vie très marginale. Si nous ne faisons pas d’efforts en ce sens, cela sera et restera le fin mot de notre histoire. » - « Moi, le sale vert. » - Willario Somson.